Étant donné que l’on m’a déjà demandé comment pouvait-on, selon moi, définir une bonne nouvelle, et que je reviens d’une participation en tant que jury à un concours de nouvelles, je pense qu’il est grand temps de répondre à la question.
Tout d’abord, je me sens obligée d’avouer qu’il n’y a pas de réponse claire à ce qu’est une « bonne » nouvelle. Après quelques recherches sur différents dictionnaires, une seule idée nous revient, bien trop vague : « la nouvelle est une sorte de court roman ».
Cela signifie-t-il que l’on ne trouve aucune « caractéristique » ni de « règles » véritables dans la nouvelle ? Non, je ne crois pas. Mais une chose est sûre : c’est l’époque et les circonstances qui définissent ces caractéristiques et ces règles (par exemple : lors du mouvement classique, où l’on cherchait les récits courts sous forme de nouvelles, la recherche de la vraisemblance était essentielle).
C’est pourquoi je vous encourage à prendre avec des pincettes mes prochaines réflexions. Sur le coup, le « selon-moi » de la question a toute son importance.
Une seule intrigue
Comme un roman, la nouvelle a besoin d’une intrigue. Mais, attention ! nous avons déjà vu que ce n’était pas tout à fait un roman. Vous ne pourrez alors pas vous égarer sur plusieurs intrigues. En effet, la nouvelle bien trop courte ne peut en contenir qu’une seule…
De même, contrairement au roman, vous ne pourrez faire évoluer de nombreux personnages. En général, nous n’accompagnons qu’un personnage, comme l’intrigue est unique. Mais ce n’est pas faute d’en ajouter pour le faire interagir avec ce protagoniste et nous permettre de partager ses pensées et émotions. Là encore, n’en prévoyez pas beaucoup ou vous risquerez de perdre le lecteur qui n’aura pas le temps d’apprendre à les connaître ! En somme, je recommande un à trois personnages tout au plus.
Une chute, conclusion de l’intrigue
Autre point essentiel qui a échappé à beaucoup de participants du concours. Une nouvelle ne peut laisser le lecteur sur sa faim ; il doit mener à une conclusion.
Bien sûr, il n’est pas interdit de vouloir laisser le doute. Par exemple, terminer sur la lame s’approchait peu à peu de son visage sans qu’elle ne puisse se démener permet au lecteur d’envisager le pire : la mort subite du personnage. Ou bien, s’il ne la souhaite pas, à lui tout le loisir d’imaginer une autre fin en inventant la suite !
Toutefois, si la nouvelle semble s’arrêter en pleines péripéties, sans dénouement de l’intrigue, on pourrait croire que l’auteur ne le connaissait tout simplement pas. Un peu frustrant tout de même… S’il s’agit d’une quête pour trouver un remède miraculeux, allez jusqu’au bout ! Donnez une conclusion, même si le personnage ne devait jamais trouver ce fameux remède.
Cette conclusion doit également être marquante, d’où l’effet de « chute ». Le lecteur doit être bouleversé par cette fin au point de se dire, « quelle nouvelle ! ».
Le bon équilibre
Une intrigue, des personnages, comment présenter le tout ?
Vous avez compris : la nouvelle est trop courte pour contenir trop d’informations, mais il en faut tout de même pour ne pas perdre le lecteur. Le tout, c’est de trouver un bon équilibre.
Cherchez à être clair dans vos propos. Si quelqu’un, en lisant votre nouvelle, vous dit n’avoir rien compris, c’est que vous devez développer. D’un autre côté, il est important de ne pas s’égarer dans des détails inutiles. Dites-vous que chaque mot doit pouvoir mettre sa pierre à l’édifice. Certaines informations, si absentes, n’entachent pas l’intrigue, supprimez-les.
Fluidité
La fluidité est plus importante dans une nouvelle qu’un roman, selon moi, car cela est plus flagrant. Vous savez que vous avez réussi une bonne nouvelle lorsque le lecteur finit sa lecture d’une traite avec faim. Si, au contraire, il n’est pas encouragé à la lire jusqu’au bout et doit la poser pour un temps, c’est que la fluidité manque.
Il est alors possible que, comme dit au point plus haut, vous ayez trop insisté sur les informations avec des descriptions inutiles. En vérité, je conseille de privilégier avant tout l’action dans une nouvelle. Cela rend la lecture plus active.
Une façon de rendre votre nouvelle plus respirable est celle-ci : la découper en petits chapitres. J’en raffole personnellement. Mais alors faut-il savoir bien terminer ses chapitres pour encourager le lecteur à poursuivre directement sur le suivant ! Cela donne un rythme qui se veut entraînant.
Une nouvelle n’est ni un essai ni un poème !
Beaucoup ont besoin de se l’entendre répéter, malheureusement.
Je rappelle la définition : une nouvelle est comme un court roman. Pas un poème. Pas un essai. Ne quittez surtout pas des yeux l’idée d’intrigue !
Bien sûr, vous pouvez dénoncer quelque chose à travers votre histoire. Mais le lecteur se fiche de votre avis personnel et votre liste d’arguments.
De même, cela peut être bien beau de lire plusieurs pages d’une effusion de vers, d’images et de jeux sur les sons. Mais sans histoire, la nouvelle perd de son sens.
Transmettre au lecteur
Enfin, de mon avis personnel, la nouvelle doit pouvoir transmettre au lecteur.
Cela peut-être une morale ou simplement la transmission d’une émotion pour la faire vivre au lecteur. Ainsi, on peut chercher à lui faire peur, le choquer pour dénoncer, le persuader sur des faits, l’attendrir, etc.
En lien avec la morale, il est également possible de faire suivre au lecteur un changement du comportement du personnage. Par exemple, la chute de la nouvelle aurait donné lieu à une révélation (les accidents de la route sont fréquents et personne n’en est protégé) qui permettrait au personnage imprudent de changer en conséquence (il conduit à présent avec toute la lenteur et patience nécessaire).
Il y aurait beaucoup à dire sur la nouvelle, mais je voulais vraiment insister sur ces remarques pour permettre aux participants de peut-être mieux comprendre leurs erreurs. Avez-vous eu l’impression de manquer à l’une d’elles ? Si oui, comment la corriger ?
La Plume Messagère
L’idée d’une seule intrigue, peu de personnages, une chute, ça rejoint beaucoup le cours de 4ème ! Je me souviens que je suivais avec attention celui-là parce que je commençais à vouloir écrire mes idées, et même si c’était la nouvelle qu’on étudiait, la prof évoquait un peu le roman avec, pour expliquer la distinction notamment, et j’essayai de capter le max d’infos pour que ça me soit utile derrière (ah, les souvenirs x) )
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Les nouvelles ont été mon tremplin pour l’écriture : quinze concours de nouvelles en 2014 ont amenés six publications dont cinq primées cette année-là. Depuis, deux nouvelles ont été ajoutées en 2018 dans un recueil polar humoristique et en 2020, je trouve mes textes dans le recueil MLK et le recueil Combat spirituel. Pourtant, j’écris beaucoup à l’intuition de la lectrice de nouvelles plus que selon la technique usuelle. Pour autant, quand je suis passée à l’écriture de romans, j’ai affiné la technique de façon féroce. Pratiquer les concours de nouvelles sera toujours un bon test de sa propre capacité à boucler une intrigue à chute et en recevoir l’évaluation. Ou à choisir d’en casser les codes pour se démarquer !
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