« Avez-vous choisi ? »

• DÉFI SABLIER #1 •

Le soleil est radieux sur ce jardin de salon de thé qui inspire la bonne humeur. Mes carnets sont précieusement conservés dans mon sac, à portée de main. Mais il reste une épreuve à affronter, tandis que mes sourcils se plissent sous une intense concentration et que mes yeux se baladent sur la terrible liste, éperdus.

« Avez-vous choisi ? » me glisse alors une voix tant redoutée.

Je pose la carte des différents thés que propose l’établissement pour me lancer, un peu au hasard. Lorsque la serveuse s’en va porter ma commande, un grand soulagement me prend.

Mais, vous le devinez sûrement, je pense que cette petite aventure comique ne concerne pas que le choix difficile du thé à déguster. J’ai également toujours pensé qu’il y avait une grande part de choix dans l’écriture.

 

Mille et une portes

Parfois, c’est ainsi que je me sens : face à une infinité de possibilités. L’écriture est un peu comme cela n’est pas ? Un imaginaire que l’on ne parvient à limiter totalement, d’heureuses opportunités.

Avec la construction de son récit, sous toutes ses possibilités, s’entame alors un long travail, acharné. Il faut gribouiller toutes les idées dans un carnet, les évaluer sous tous les angles, étudier leur pertinence, ou encore hausser les épaules à certaines – car parfois, on n’explique pas une idée.

Sans oublier toutefois que certaines de ces portes ne mèneront pas à grand-chose, une impasse. Ou pire : une erreur.

 

Rebrousser chemin

On se rend compte que le choix n’a pas été le bon.

Il faut en faire le deuil, sous une couverture duveteuse, à fuir l’écriture au travers de Netflix. L’échec nous paraît si grand qu’il est tout bonnement impensable. Le désespoir de devoir tout recommencer nous saisit à la gorge.

« Je suis mauvais écrivain », est-il alors si facile de dire. C’est oublier que l’échec, bien que fatal, est essentiel à la vie et, dans le cas plus particulier de l’écriture, nous permet de découvrir de plus profonds mécanismes qui sauront alimenter la faim du lecteur.

On apprend, comme un enfant s’étire sur ses petites jambes après chaque chute pour retenter le coup. Les premiers pas ne sont pas les plus difficiles. Apprendre à faire du vélo nous prend parfois un peu de temps. Gagner son permis de conduire est un niveau bien élevé – pour certains écrivains, ce ne sera pas pour tout de suite. Mais cela viendra.

Rater un roman, c’est comme rater son permis : il faut savoir retrouver son assurance derrière la plume qui guidera vos mots.

 

Se lancer dans un heureux hasard

Il m’arrive d’écrire sans trop réfléchir, de sortir des chemins battus de mon plan. La plupart du temps, ce sont ces fameuses idées que j’accueille sans pouvoir les expliquer. Ce n’est qu’au point final du roman que je découvre l’heureuse vérité : l’idée en question était un rouage essentiel, un mur pour soutenir un coin de l’édifice, du levain pour faire lever l’histoire.

L’idée qui manquait pour rendre votre récit ce qu’il est aujourd’hui.

Après tout, qui n’a jamais vécu cette « coïncidence » de la vie qui bouleversera la vôtre ? À croire qu’une main puissante est derrière chacun de nos projets.

 

Portes fermées

Plus tristement, il y a ces écrivains comme moi qui n’arrivent pas à ouvrir les portes de l’imagination que l’on cherche désespérément dans un rayon du soleil, dans les vapeurs d’une tasse de thé brûlante, dans le sourire d’un pair.

Ce ne sont pas les mots qui manquent ni la frénésie de l’écriture. Mais sans matière à modeler selon ses goûts, il n’y a pas d’écriture.

Vient alors le temps de la patience. Celui de ne plus se préoccuper de l’écriture pour la laisser nous surprendre – un peu comme un petit animal dont il faut savoir attirer la curiosité. Puis, soudain, l’idée se glisse elle-même hors de l’imagination pour nous chatouiller l’esprit.

C’est un énième choix : la prendre dans son vol ou la laisser s’évanouir. Empoigner l’écriture avec plus d’énergie ou poursuivre ce temps de repos – une tentation bien trop alléchante, pour ne pas faire plus simple.

 

Choix futiles

Enfin, il y a les choix qui ne devraient s’imposer à nous. Par-là, je cite toute mauvaise habitude d’un écrivain : tea or not tea, est la question que je me pose souvent – et me fait perdre accessoirement dix minutes de mon temps. Mettre de la musique ? Pourquoi pas ! Mais alors laquelle ?

Puis le malheureux choix qui s’offre bien trop souvent à nous et qui nous charge de honte : écrire, ou faire autre chose ?

 

Finalement, l’écriture est toute une aventure, une seconde vie bien à part pour l’écrivain, semé d’embûches et de choix incontournables – comme de choix moins définitifs. Mais quelque soit le choix que nous prenons aujourd’hui, il y a l’espoir de pouvoir le corriger dès le lendemain.

Pour terminer, je ne citerai qu’une autrice anglophone que je porte très à cœur, L.M Montgomery :

“Isn’t it nice to think that tomorrow is a new day with no mistakes in it yet ?”


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