Les défauts d’une fin d’histoire

théâtre

Installé à son bureau, une tasse de thé prêt à la consommation à portée de main, un écrivain s’étire et se prépare à l’exercice qu’est l’écriture.

 

L’ÉCRIVAIN : Aujourd’hui est un jour nouveau ! Cette fois, on y est, on ne peut plus reculer. À nous deux, fin de premier jet !

Sourire carnassier. Ses doigts sont prêts à s’abattre sur le clavier. Moment de silence et d’intense immobilité.

L’ÉCRIVAIN : C’est pas vrai ! Encore bloqué ! Mais où est Inspiration ? (se lève et crie par la fenêtre) Inspiration ! C’est pas encore les vacances, enfin !

Aucun signe d’Inspiration, pourtant.

L’ÉCRIVAIN : Tu vas encore me laisser tomber, c’est ça ? Mais qu’est-ce que tu veux à la fin ! Tu n’as donc pas aimé mes chocolats de la St Valentin ?

LE PERSONNAGE, repoussant brutalement la porte : Je ne crois pas que l’affaire soit au sujet d’Inspiration.

L’ÉCRIVAIN : Ah !

LE PERSONNAGE : Quoi, vous ne vous attendiez pas à ma venue ?

L’ECRIVAIN : Décidément, vous ne tenez vraiment pas en place ! Retournez dans le livre. J’attends Inspiration.

LE PERSONNAGE : Mais puisque je vous dis qu’elle ne viendra pas. Il faudra se débrouiller sans elle.

L’ÉCRIVAIN : Me débrouiller sans elle ? Impossible ! C’est ma muse, le soleil de ma vie !

LE PERSONNAGE : Et la lettre de rupture, vous l’oubliez ?

L’écrivain se tait et sort une enveloppe mouillée de récentes larmes.

LE PERSONNAGE : M’écouterez-vous enfin ?

L’ÉCRIVAIN : Soit.

LE PERSONNAGE : Ce qu’il faut, c’est vous débarrasser des sœurs Doutes.

L’ÉCRIVAIN : Qui ?

LE PERSONNAGE : Oh, vous les connaissez très bien.

L’ÉCRIVAIN : Invention. Puisque je vous dis que je ne leur ai jamais adressé la parole !

LE PERSONNAGE : Justement ! Elles se font discrètes, mais vous murmurent à l’oreille. Vous savez, ce que vous pensez être la voix d’Inspiration…

Tout en parlant, le personnage pointe un coin de la pièce du doigt où se fondent de belles jeunes femmes.

L’ÉCRIVAIN : Oh, elles ! Mais elles ne dérangent pas. Voyez comme elles sont charmantes.

LE PERSONNAGE : Elles vous distraient de votre but : finir une fois pour toutes ce premier jet qui ne dure que trop.

L’ÉCRIVAIN : Croyez-vous ?

LE PERSONNAGE : Puisque je vous le dis !

L’ÉCRIVAIN : C’est bien dommage… (caresse le bras d’une sœur Doute qui glousse de plaisir) Vous m’en voyez désolé, Mesdames, mais il va falloir nous quitter.

DOUTE : Oh ! Si tôt ? Nous avions pourtant encore tant à faire !

LE PERSONNAGE : Bon, maintenant, ça suffit ! (se saisit sans ménage de chacune des jeunes femmes pour les précipiter vers la porte) Du balai !

L’ÉCRIVAIN: Ne croyez-vous pas que vous y aller un peu fort ?

LE PERSONNAGE: Et vous, pas assez. Si vous souhaitez être écrivain, il vous faut écrire, et pour écrire… Il n’y a pas de place aux Doutes !

L’ÉCRIVAIN: Très bien, très bien… Je suppose qu’il ne me reste plus qu’à conclure cet humble ouvrage.

LE PERSONNAGE : Attendez, qu’avez-vous prévu ?

L’ÉCRIVAIN : Oh, quelques moindres morts et prix à payer pour une belle conclusion…

LE PERSONNAGE : Quoi !

L’ÉCRIVAIN : Mais enfin, je pensais que vous me faisiez confiance.

LE PERSONNAGE : Vous n’êtes qu’un monstre ! J’espère que ces morts se justifieront.

L’ÉCRIVAIN : Tout à fait. Je montre simplement le cours de la vie, ainsi que les choses doivent être faites. Mais pas d’inquiétude : la mort peut être un nouveau départ.

LE PERSONNAGE, préparant ses valises et se coiffant de son haut-de-forme : Bon, allez-y qu’on en finisse.

L’ÉCRIVAIN : Vous voyez que l’on peut s’entendre !

Le rideau se ferme sur l’écrivain prêt à abattre ses mains sur son instrument de torture.

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Sur quoi il me faut vous laisser, car la fin d’un roman ne s’écrit pas seul…


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