
Il y a deux écoles : ceux qui associent l’écrivain à un maître de la langue et ceux qui pensent que les deux sont tout à fait dissociables.
Que l’on approuve un Zola qui n’a jamais eu son bac ou non, une chose est vrai : la maîtrise de la langue fait indéniablement partie du travail de l’écrivain, qu’il y soit bon ou non.
Cet article n’est pas une réponse à ce débat qui se tient. Il est plutôt une réponse à tous ces découragés de la langue française, qui ne pensent jamais pouvoir la dompter. Oui, cet article est pour vous, car j’ai moi-même connu l’humiliation des fautes récurrentes, les larmes de frustration fac à mes notes d’écolière.
Je vous partage mon expérience.
Débuts difficiles
Je suis bilingue. Malheureusement, si j’y gagne la fluidité dans deux langues qui me sont chères, cela n’épargne pas le soin de l’orthographe. C’est un constat : les bilingues sont généralement les premiers à commettre beaucoup d’erreurs, quelles soient syntaxiques ou orthographiques. J’ai donc beaucoup souffert de l’apprentissage du français dans le primaire.
Les bilingues ne sont pourtant pas les seuls à connaître de telles difficultés – beaucoup approuveront que la langue française, elle-même, est une maîtrise à acquérir.
Je me souviens de ces longues heures passées avec ma mère à tenter d’apprendre l’orthographe d’un mot en le recopiant encore et encore. Certains ne rentraient tout simplement pas. Les chiffres, à côté des lettres, m’apparaissaient alors bien plus simples.
On ne pouvait encore reconnaître la littéraire en moi. C’était tout simplement impossible.
De gros zéros
Au collège, les choses furent bien loin de s’améliorer. Je me rappelle la douleur des gros zéros inscrits sur mes dictées et mes regards envieux en direction de ceux qui réussissaient. J’aimais également beaucoup écrire – mais mes rédactions ne trouvèrent jamais la moindre qualité grammaticale aux yeux de mes professeurs.
Je m’étais résolue de n’écrire plus que dans le secret. Loin du regard qui me brûlerait de honte.
« Tu lis pourtant beaucoup à présent », me dit un jour ma marraine au téléphone. « Cela devrait t’aider à améliorer ton orthographe. »
La lecture n’y fut pourtant pour rien – en ce qui me concerne. Les difficultés, même si plus légères, se prolongèrent.
Efforts croissants
Je ne me suis rendue compte de mon amélioration qu’après deux ans d’écriture intensives. Mes notes remontaient, notamment en français, où les professeurs se décidèrent à me prendre davantage au sérieux. Je troquai la simplicité des maths pour l’épreuve de la langue.
Je continuai également à écrire. Parfois des romans, parfois simplement de courts écrits. Mais, avec cela, le partage se joignit plus volontiers. Je commençai à publier sur des plateformes d’écriture et envoyai mes premiers manuscrits à une poignée de proches qui connaissent l’univers du livre. On me corrigeait. Je me corrigeais. Peu à peu, le mécanisme glissait plus sereinement.
Reconnaissance
Depuis, je n’ai jamais cessé de progresser. Du zéro en dictée, je passai au lycée avec de très encourageants commentaires de la part de mes professeurs. J’étais enfin reconnue pour mon goût de la littérature, non plus souillée par l’obstacle de la langue. Mes devoirs de bac ne comportaient presque plus une seule faute – à ma grande joie et surprise !
Les maladresses d’expression demeuraient – et demeureront peut-être toujours, comme vous le constaterez sur ce blog – mais je progressais. Les mots se firent plus doux sur ma langue et je pus enfin prendre le temps de les savourer. Car je les avais domptés.
Plus loin
Aujourd’hui, c’est en tant qu’étudiante en Lettres modernes que je vous parle. La jeune fille scientifique est parvenue à conquérir le monde des lettres, et ce, par l’effort de l’écriture.
J’ai encore tant à apprendre de la langue française, mais c’est avec beaucoup d’excitation que je le considère. Le Bescherelle et le dictionnaire continuent de m’accompagner bien souvent, mais c’est sans crainte que je les ouvre.
J’ai hâte d’aller plus loin, hâte de découvrir un vocabulaire riche resté trop longtemps dans l’ombre.
Et j’espère que mon témoignage servira à certains d’entres-vous, qui vous sentez si insignifiants, voire ridicules dans cette mare d’erreurs et de mauvaises remarques. N’abandonnez pas. Surtout si l’écriture est pour vous un être cher et bien connu !
Quels sont vos témoignages ? Que pensez-vous de notre belle/terrible langue ? Enfin, que pensez-vous du rapport entre l’écrivain et le cancre ?
