
Cela fait un petit moment que je ne vous ai pas partagé de mes dernières analyses littéraires… alors pourquoi ne pas embrayer sur une présentation de mon autrice favorite, L.M Montgomery ?
Lucy Maud Montgomery est une écrivaine canadienne, de Prince Edward Island, qui a écrit de nombreuses nouvelles et plusieurs séries de romans au début du XXe siècle. Elle est notamment connue pour ses nombreux journaux intimes tenus depuis l’âge de treize ans et sa série de livres dont Anne et la maison aux pignons verts est le premier tome et qui fut adapté à travers le monde.
I cannot remember the time when I was not writing, or when I did not mean to be a writer… I was an indefatigable little scribbler.
The Alpine Path : The Story of my Career
Je vous parle notamment de mon ressenti sur ses personnages et de son propre regard qui, au travers d’un point de vue omniscient, influe le lecteur sur sa lecture.
#1 Des personnages authentiques
Comme j’en ai parlé dans mon article sur le héros de l’histoire, et plus particulièrement en rattachant la protagoniste Anne au personnage « causeur de trouble », il est plus facile de s’attacher à un personnage rendu authentique par ses imperfections plutôt qu’à un personnage qui ne semble pas nécessiter d’un quelconque apprentissage ou besoin.
C’est le cas des personnages que l’on retrouve dans les livres de cette auteure. Seuls, têtus, rancuniers, naïfs, L.M Montgomery brosse tous les portraits que l’on pourrait retrouver sur cette terre, le tout sur un ton comique qui oblige le lecteur à se rendre compte de l’humour de ses propres défauts.
Anne est débordante d’imagination et apprécie tant la lecture que l’écriture – je pense que beaucoup des lecteurs de L.M Montgomery se retrouvent dans cette personnalité. Rappeler au lecteur un profil qui lui correspond est un des meilleurs moyens de l’intégrer dans le récit et en faire lui-même un acteur de l’histoire.
#2 Des personnages qui évoluent
C’est parce que les personnages sont authentiques qu’ils peuvent suivre une progression de leur histoire. Leçons et expériences du quotidien évoluent sous le regard du lecteur et le nourrit dans ses réflexions. La plupart des romans de L.M Montgomery ont été écrits à l’intention des enfants, de même qu’aux parents chargés de raconter ces pages. La portée didactique est donc un point majeur pour l’auteure.
Ces romans sont également chargés de décrire l’évolution d’une vie – c’est l’exemple de la série de livre qui suit le personnage de Anne : nous la rencontrons du haut de ses onze ans, puis la suivons dans ses études, son premier travail, la construction de son mariage puis l’établissement d’une grande famille. Si Anne présente une maladresse constante tant dans ses gestes que ses propos au début de ses aventures, ses expériences de la vie assureront la maturité de ses choix et sa capacité à pouvoir enseigner à son tour aux plus jeunes.
#3 Mixité des intrigues, un large point de vue
Ce n’est non pas une intrigue, mais plusieurs, qui rattachent l’histoire. Il y a certes un fil conducteur, une intrigue générale dans laquelle lier tous ces petits récits, mais comme l’auteur ne se contente pas d’un seul personnage, nous avons accès à un large point de vue que donne l’omniscient. Nous ne suivons alors plus seulement le protagoniste, bien que celui-ci intervienne ou assiste dans la plupart de ces récits.
Les multiples portraits des personnages nous permettent de croiser différentes évolutions. La différence est une richesse et embellit l’intrigue.
Je pense que ces multiples récits s’expliquent également par la volonté de l’auteure à distinguer ses chapitres – les lectures du soir aux enfants étant ainsi facilitées. Ainsi, chaque chapitre est comme un nouveau point de vue qui nous est donné, une scène ajoutée à la pièce.
Enfin, cette mixité des intrigues nous rappelle un fait essentiel à l’homme : la collectivité. Le protagoniste n’est plus seul en compagnie du lecteur, mais plongé dans tout un univers qui est partagé à ce lecteur.
#4 Une vision réaliste
Si on peut parler de romans d’apprentissage, l’auteure s’amuse à nous peindre le décor réaliste des jours qu’elle a connus – partageant jusqu’à ses propres expériences, comme la mort de son premier nourrisson. Le scandale des misères et des épreuves de la vie se confrontent à l’espoir de ne pas être seul et des guérisons possibles.
La vision de L.M Montgomery est rendue inédite par son attache à la spiritualité. Les décors qu’elle dépeint dans ses romans ont eu pour influence des « flashs », comme elle les nomme dans son journal : « parmi les banalités de la vie, je me sentais très proche d’un royaume de beauté idéale. Entre lui et moi ne se trouvait qu’un léger voile. Je ne pouvais jamais vraiment l’écarter, mais par moments le vent le soulevait et il me semblait voir un aperçu du royaume enchanté qui était au-delà – seulement un aperçu – mais ces aperçus ont toujours rendu la vie digne d’intérêt. » L’espoir innerve les pages au milieu de la souffrance des personnages, les couleurs se découvrent dans tous leurs tons.
Je crois fermement qu’il est bon pour un auteur de ne pas couler dans le « tout blanc » ni le « tout noir » de son histoire. A l’époque, j’avais une tendance à dramatiser la situation de mes personnages. La maturité d’un texte ne réside pas dans notre compréhension d’un monde dans le mal, mais dans notre faculté à savoir prendre de la distance avec ce mal et à pouvoir l’évaluer.
#5 Une justesse de la fluidité
Enfin, ce que j’apprécie beaucoup chez L.M Montgomery, c’est ce rythme accrocheur. Elle ne s’attarde pas dans les descriptions inépuisables, mais préfère au contraire l’action à la passivité. Si description il y a, c’est pour nous offrir un temps de soupir face à la contemplation de la force de la nature – Anne y étant elle-même très attachée.
Vous rappelez-vous d’une de mes premières erreurs en tant qu’auteur débutante (voir l’article en question), qui est de toujours vouloir trop en dire ? L.M Montgomery fait tout du contraire, laissant au lecteur sa part d’imagination et de réflexion.
The point of good writing is knowing when to stop.
Anne’s House of dreams
Curieusement, je pense que le style de L.M Montgomery se rapproche sensiblement à celui de Louisa May Alcott, l’auteure des Quatres Filles du docteur March et qui la succède d’un demi-siècle. Je me demande si Louisa May Alcott ne faisait donc pas partie de ses lectures d’enfance…
Avez-vous lu l’une ou l’autre de ces écrivaines ? Si oui, qu’en pensez-vous ? Enfin, quels autres noms souhaiteriez-vous voir apparaître sur mon blog ? J’espère être parvenue à vous donner envie de lire un de ces romans qui valent vraiment le coup d’œil.
You have the itch for writing born in you. It’s quite incurable. What are you going to do with it?
The Emily Trilogy

3 réflexions sur “5 remarques sur le style de L.M Montgomery”