6 leçons à tirer de « 1917 » de Sam Mendes

Récemment, j’ai eu l’occasion de visionner « 1917 » de Sam Mendes (le réalisateur de « Skyfall », entre autres), un film qui m’a épatée tant par la richesse de ses techniques que par son intrigue bien pensée. Sur quoi, je m’étais fait la réflexion que même les autres formes de divertissement avaient quelque chose à nous enseigner sur l’écriture

Les points que je cite ici ne parleront peut-être pas à tous ni ne sont exhaustifs quant à ce qu’il y a aurait à dire sur ce film. Je vous les partage toutefois, au travers du regard de l’écrivaine que je suis, dans l’objectif de conduire vos propres interrogations sur le travail que vous menez.

Voici donc six bonnes leçons que je conseille d’écouter.

#1 – Une intrigue maîtrisée

Ma première appréciation de ce film se résout dans la maîtrise du développement de son intrigue. Comme dans tout bon scénario, qu’il s’agisse d’un film, d’un roman ou même d’une pièce de théâtre, l’important y est :

  • L’introduction, avec l’application de la situation initiale par le cadre et les personnages qui nous sont dévoilés : deux soldats, vêtus de leurs uniformes, nous font comprendre le contexte problématique dans lequel va se dérouler le récit. D’abord assoupis, ils sont vite interpelés et entament une conversation qui permet au spectateur un aperçu de l’identité et de la situation de ces personnages.
  • L’élément déclencheur, avec l’énonciation du problème (ces hommes piégés par une stratégie allemande et qui s’apprêtent à se jeter en masse dans la gueule du loup) et l’obligation d’une quête (ordre de prévenir ces forces armées avant qu’il ne soit trop tard).
  • La suite de péripéties, avec le déplacement des personnages dans le No Man’s Land puis les villes abandonnées, la forêt, etc. Je crois ne pas avoir davantage besoin d’expliciter le résultat de cette étape…
  • Le temps de crise (ou le summum du récit) : la force armée en danger est enfin retrouvée, mais réside toujours la difficulté de la convaincre.
  • La conclusion, avec la réalisation de la mission donnée et un quasi-retour à la situation initiale (raccord avec le décor dans lequel se trouve le soldat, contre le tronc d’un arbre ainsi qu’avait débuté le récit), mais une transformation remarquée en ce personnage, après l’épopée vécue.

#2 – Le produit d’une bonne fluidité

Si vous avez visionné ce film, vous avez sûrement eu l’impression d’un seul plan-séquence filmé – je suis moi-même tombée dans ce piège. En effet, il s’agirait plutôt de la composition de plusieurs plans-séquence dont le plus long durerait 9 min ! La fluidité de l’image et de l’avancée des personnages est pourtant telle que nous avons la sensation de ne jamais lâcher l’histoire – ou, plus tragiquement, de ne jamais pouvoir en sortir avant la fin…

La stratégie à prendre dans un bon roman est assez semblable : faire croire au lecteur que, au-delà du découpage par chapitre, voire scénique, le récit ne trouve pas de répit. La fluidité, comme vous le savez, est un atout à ne pas négliger : il permet au lecteur de s’accrocher jusqu’au bout à l’histoire que vous lui narrez, car il ne se sent aucun droit (ou possibilité) d’arrêter sa lecture.

Parfois, mieux vaut ne pas accorder de pause au lecteur (en d’autres termes, ne pas abonder en interludes, flashbacks, transitions qui pourraient hacher la lecture). De même, il faut se rappeler que les histoires se déroulant sur une longue durée ne sont pas toujours les meilleures (bien que montrant clairement l’évolution d’un personnage, par exemple) et qu’il faut préférer les récits courts et efficaces, comme pour ce film qui se déroule sur une durée de 24h.

Pour creuser ce sujet, je vous invite à lire mon article sur le rythme narratif.

#3 – Prosaïsme

Le prosaïsme est en soi un terme assez critique : sa définition veut que l’on ne s’y attarde pas et, pourtant, un roman ne peut pourtant s’en passer.

Le prosaïsme survint généralement en temps d’accalmie, entre deux scènes de péripéties, par exemple. Il peut s’introduire sous différentes formes, comme celui du souvenir, d’une description – dans le cas du roman – ou d’une conversation entre deux soldats ou d’un aperçu sur des photographies, comme c’est le cas dans ce film.

Mais à quoi tous ces détails prosaïques peuvent-ils bien conduire ? En quoi sont-ils essentiels ? Car s’il ne faut pas en abuser pour ne pas trop ralentir le récit et lasser le lecteur, ces détails sont un bon moyen d’instaurer une certaine complicité entre le protagoniste et le lecteur, qui font alors plus ample connaissance.

Dans une des scènes de ce film, les deux soldats discutent de leur vie d’avant la guerre avec plus ou moins de réticences. Non seulement cela nous permet-il d’en apprendre plus sur leurs passés et éventuellement l’éducation qui leur aurait été donnée, mais aussi de cerner un peu plus les personnalités. D’autres scènes, dans des maisons abandonnées, nous rendent compte de la vie qui était vécue à cette période qui n’a plus à voir avec notre présente condition.

Pour donner du volume à vos récits, n’hésitez pas à adjoindre ces temps de pause pour rendre davantage compte de vos personnages et du cadre.

#4 – Un point de vue de taille

Le point de vue emprunté (ou angle de caméra, si je puis dire) est intéressant pour son ambiguïté.

En effet, non seulement impose-t-il une certaine prise de distance avec ce qui se déroule sous nos yeux (nous ne sommes les personnages, mais ne faisons que les suivre) tout en nous admettant une proximité considérable avec ces personnages, que nous suivons d’un bout à l’autre du film.

Il y a, je crois, un certain équilibre à chercher dans les points de vue que nous usons pour nos romans. Pour ma part, férue du point de vue omniscient qui offre une distance particulière avec le récit, je dois me rappeler d’inclure le lecteur dans une position de complice pour lui faire vivre plus directement l’histoire. Chose difficile, mais chose capitale !

#5 – Absence d’opinion, place à la réaction

Si certains publics ont regretté l’absence d’un certain point de vue tenu par le réalisateur lui-même sur le sujet de la guerre, je trouve au contraire que c’est là un des points forts de son œuvre : en effet, pour moi, l’absence d’opinion permet la réaction.

D’une certaine façon, il ne peut y avoir une absence totale d’opinion – autrement, les images apportées n’auraient pas été choisies avec tant de soin. Il est évident, toutefois, que l’on ne s’exprime pas tant sur l’horreur des combats ; les soldats eux-mêmes semblent davantage considérer les faits comme tels, ne pouvant prendre le recul que nous pouvons aujourd’hui prendre.

M’est avis que le dessein du réalisateur est plutôt de laisser à son spectateur le profit de toute la réflexion, nourri par tout ce qu’il lui avait été donné de voir et entendre. De telle stratégie, j’aime moi-même en user : ce que je vis, ce que je pense être des réalités, il me faut les décrire comme telles ; pour autant, je ne peux ni ne veux les imposer à mes lecteurs à qui je laisse tout le loisir de considérer sa lecture à sa manière.

#6 -Accents de vérité

Enfin, il m’arrive souvent d’appuyer sur l’importance de s’inspirer de ses propres expériences ou témoignages extérieurs – ce film n’en fait pas exception.

L’aventure qui nous est rapportée n’a rien d’une fiction, appuyée qu’elle est par des faits réels, eux-mêmes rapportés par les témoins visuels de cet événement. Cela n’empêche évidemment pas au réalisateur – et donc à tout artiste – de broder à sa guise autour de ce fil conducteur. Prendre en considération des expériences véritables concrétise le message que nous voulons faire passer, tandis que la description des simples limites de nos imaginations pourrait bien mener à un manque de crédibilité

Avez-vous vu ce film ? Si oui, qu’est-ce qui vous à marqué ? Que pouvez-vous en tirer pour vos propres méthodes ? N’oubliez pas que tout sert à l’écriture, si seulement nous prenions le temps de les considérer dans nos réflexions !


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