
Qui, dans ses débuts avec l’écriture, n’a pas été confronté aux immanquables lourdeurs d’expression ? Surtout si l’on est pas familier avec toutes les règles de la grammaire française, il sera difficile à un écrivain d’y échapper… Le mieux, alors, est de pouvoir apprendre à les discerner pour les corriger plus tard dans nos textes.
Mais pourquoi les maladresses et lourdeurs sont-elles l’épreuve d’un si grand nombre d’écrivains ? C’est que l’on confronte souvent les conseils incompatibles d’auteurs étrangers à notre propre travail d’écriture – sans parler que le français est une langue complexe et présente de bons pièges pour qui ne maîtrise pas parfaitement sa grammaire !
Voici donc mes conseils et réflexions sur cette inéluctable problématique de l’écriture.
Langue française VS langue anglaise
Ces temps-ci, vous l’aurez vu, je m’amuse beaucoup à comparer ces deux langues qui composent mon identité… C’est avec beaucoup de vigilance qu’il faut savoir appréhender les conseils d’écrivains anglais qui ne fonctionneront pas de pair avec la langue française. Dans le cas des lourdeurs, entre autres, ont peut trouver quelques exemples de disfonctionnement entre ces deux langues.
- Répétitions : dans un texte en anglais, elles gêneront moins le lecteur que dans un texte en français. Les répétitions donnent même plutôt un certain style aux auteurs. Au contraire, un écrivain cherchant trop à embellir son texte d’un vocabulaire riche aura tendance à être moins bien vu… C’est en ce sens que Stephen King donne son fameux conseil de préférer répéter le verbe « dire » plutôt que d’emprunter d’autres verbes de dialogue pour spécifier le ton. Evidemment, en français, cette utilisation ne pourra pas fonctionner.
- Détails : le détail n’est jamais de trop en anglais, là où il est lourd en français. On trouve alors facilement un enchaînement d’attributs aux sujets et compléments (ex : She sized the little yellowy striped and unused notebook.) En français, on ne peut se permettre une telle richesse du détail si l’on ne veut pas plomber sa syntaxe (ex : Elle se saisit du petit carnet de notes jaune avec des rayures et qui n’avait encore jamais été utilisé.)
De ce fait, je pense que la lourdeur est un défaut stylistique beaucoup plus récurrent chez les auteurs français. La France ayant trop tardé à développer sa langue et les règles qui la tiennent, l’expression demandera plus de réflexions – en terme de choix et de justifications – que pour d’autres langues, plus anciennes.
#1 – Synonymes et vocabulaire
La langue française qui, quelques siècles plus tôt, a longtemps cherché à devenir noble, apprécie particulièrement un vocabulaire étoffé. Pour ma part, j’avoue être moi-même influencée par cette mode en tant que lectrice : si le style est trop « facile », il est peu probable que je puisse apprécier pleinement ma lecture – attention, je ne dis pas que des mots simples ne peuvent se lier dans le même style d’un vocabulaire plus complet !
Il y a un besoin de l’expression parfaite, de la recherche du mot juste. En cela, la langue anglaise nous dépasse de loin : 200 000 mots recensés dans le Oxford English Dictionary contre 50 000 dans le Larousse ou 132 000 dans le Littré. Là où l’anglais préférera l’expression d’un mot, il faudra en français, pour traduire le sentiment et la tonalité exacte de ce mot, un bon nombre de compléments et propositions subordonnées…
Pour éviter cette terrible lourdeur syntaxique, je vous engage à vous nourrir quotidiennement de nouveaux vocabulaires et à tenir près de vous un bon dictionnaire des synonymes. Détrompez-vous sur ce fastidieux exercice : j’ai trouvé bien souvent mot plus juste à mon idée par cet effort de recherche du vocabulaire !
Voir mon avis sur l’application Mot du jour.
#2 – Variations syntaxiques
La plus importante lourdeur, selon moi, réside vraiment dans la répétition syntaxique.
Pour que le texte soit au plus fluide dans sa lecture, il est important de réfléchir à la structuration de ses paragraphes et de l’enchaînement de ses phrases – cela, en variant de son mieux la syntaxe.
De manière générale, voilà ce qui pourrait se résoudre en une lourdeur :
- Toujours commencer sa phrase par une proposition subordonnée (pour donner une information circonstancielle, par exemple)
- Commencer ses phrases par le même pronom
- Abuser en phrases avec subordonnées relatives
- Un enchaînement de propositions juxtaposées
En somme, tout ce qu’il pourrait donner une impression d’ « effet liste« . Ne me méprenez pas : je ne dis pas qu’il est interdit sous toute condition de le faire – autrement, bien des figures de style liées à la répétitions seraient vaines ! Je dis plutôt qu’il faut savoir justifier ses choix de rédaction si nous souhaitons que notre lecteur nous prenne suffisamment au sérieux. En d’autres termes, la manière dont nous pensons la syntaxe doit pouvoir servir au texte et à lui donner de l’effet.
#3 – Le digeste du simple
Si il est important d’avoir un vocabulaire riche et un style plus ou moins élégant, il ne faut pas oublier que le parfait réside parfois dans le simple. Des phrases trop longues et trop complexes pourraient bien effrayer le lecteur d’aujourd’hui, peu habitué à ce type de lecture. C’est pourquoi la plupart des écrivains vous le conseilleront : évitez à tout prix les participes présents, subordonnées relatives et adverbes (autrement dit, en grammaire, les phrases dites « complexes »).
Pour ma part, je ne pense pas qu’il faille les exterminer totalement – après tout, s’ils existent dans notre grammaire, c’est pour une bonne raison ! La crainte serait plutôt d’en abuser plus que de nécessité.
Surtout si vous débutez dans l’écriture, préférez donc les phrases courtes et concises, celles-ci souvent plus efficaces que des phrases bien françaises et bien construites. Cela ne vous empêche pas de vous essayer à des syntaxes plus complexes, mais pensez bien à aérer votre texte – les phrases courtes voire elliptiques (sans verbe) y aident pour beaucoup. Enfin, cet équilibre des phrases longues et des phrases courtes joueront un rôle essentiel dans votre rythme narratif, facteur lui-même de l’accrochage ou du décrochage de votre lecteur.
Voir mon article sur le rythme narratif.
#4 – Ne pas chercher à tout dire
Voilà un de mes conseils favoris… Un conseil qui me fut bien utile par le passé – et continue à l’être, à vrai dire !
J’avais ce souci de vouloir décrire tout ce qui me passait par la tête, comme si j’étais le témoin oculaire de la scène. Pourtant, vouloir tout relater au lecteur enlève de son don personnel de l’imagination : le lecteur devient alors plus passif lors de sa lecture, coupé de ses propres possibilités et choix d’imagination.
Concrètement, il est assez facile de savoir si un détail que l’on partage est vraiment utile, en vous posant la question suivante : si je supprimais ce détail, cela changerait-il la compréhension du passage ? Si non, supprimez-le sans la moindre hésitation. En effet, à quoi cela rimerait au lecteur de savoir que la porte de l’hôpital est de couleur bleu si cette couleur n’a aucun impact sur le récit ?
#5 – Variation des formes narratives
Enfin, je pense que pour éviter lourdeurs et lassitudes de lectures, il est intéressant de chercher à varier les formes narratives de son récit. Il y a, évidemment, l’équilibre bien connu entre le dialogue et les passages descriptifs, mais aussi l’alternance des discours directs et indirects.
Dans la langue anglaise, le dialogue est plus facilement inclus dans la narration et se mêle à la description de passages dans un même paragraphe. Je trouve cette solution intéressante pour permettre au lecteur de mieux se plonger dans la scène, en ayant une appréciation sensorielle bien complète (par exemple, avec le détail visuel intriqué dans les paroles prononcées). Pour autant, la langue française reste obstinée à distinguer passages descriptifs et passages de dialogues…
Qui, du dialogue ou du contexte, donnera l’information à votre lecteur ? Mieux vaut varier ces moyens et permettre à ces deux types de narration une place tout aussi importante. Eh, comme dans un récit, qui nous empêcherait de donner des informations tant directes qu’indirectes en variant les énonciateurs ? Je vous met au défi ! Personnellement, c’est une stratégie que j’aime user dans mes romans, afin de vivifier un peu mes scènes.
Pour conclure, j’aimerais rappeler un bon proverbe : tout m’est permis, mais tout ne m’est pas utile ! C’est pareil dans l’écriture – tout est question de choix et de réflexions. Allez-vous écouter le besoin de vos phrases et arranger en conséquence leur syntaxe ? Quels sont, sinon, vos propres conseils pour éviter les lourdeurs d’expression ? Allez-y, lâchez-vous en commentaire !

Merci pour cet article intéressant, avec de bons rappels. J’ai adoré la comparaison anglais/français 😀 ça permet de mettre en perspective les fonctionnements des deux langues et leurs incidences sur l’écriture… super merci !
J’aimeAimé par 1 personne
Intéressant, je ne savais pas que l’anglais comportait plus de mots que le français ! (Spontanément, j’aurais pensé l’inverse)
Après, pour le dernier point, je trouve que pas mal d’auteurs français entremêlent dialogues et narrations dans un même paragraphe, je trouve que c’est même assez valorisé dans ce qu’on appelle la « littérature blanche » !
J’aimeAimé par 1 personne