Laissez-vous conter l’histoire de la théière
Qui, bien sur son étagère, date encore d’hier.
Car d’un sujet, quoique de pauvre porcelaine,
Pourriez-vous tirer quelque leçon bien saine.
Pour ses courbes élégantes et son estomac
Bien bombé, dès son premier emploi, on l’aima.
La théière était fière et se riait des tasses
Que la maladresse des invités rendait lasses.
La gloire était pour elle, fidèle dans son rôle
A l’effort modeste et, jusque-là, sous contrôle.
Bientôt, pourtant, on est repu, a assez bu.
Elle est vide. Dans son estomac ne demeure plus
Que les réminiscences brunâtres du thé.
Elle se sent laide, la théière, toute tachée.
Sur son étagère, enfermée, on la repose.
On l’oublie. Il se tarde la prochaine pause.
Ont subsisté quelques gouttes changées en larmes ;
Bien amères, elles ne font que de piètres armes
Contre le regret qui inspire son mutisme,
La pensée du besoin d’un pardon ultime.
Puis des mains la saisissent, celles du maître
Qu’elle reconnaît sans peine. Hélas, l’espoir est traître !
On ne la lave pas ; à nouveau, on la remplit.
La théière fulmine. Elle se fait toute petite.
Mais ainsi que le thé se met à infuser,
Celui-ci se fait plus fort, d’une intensité
Nouvelle. Et cela, grâce aux taches gardées en elle !
Maintenant, pas de doutes : c’est bien elle la plus belle.

Je dois avouer que je ne pensais pas répondre à ce défi proposé par le blog des « Plumes chrétiennes » – car, autre confession, cela fait bien belles lurettes que je n’y ai plus publié – mais je suppose qu’il faut être prêt à tout changement d’état, comme pour cette fameuse théière orgueilleuse, dans nos quotidiens si indécis.
Je ne m’attendais pas non plus à écrire, ce beau matin, mais n’ai pu que peu y résister en voyant l’objet de mon inspiration : notre théière blanche en porcelaine reposant derrière son meuble vitré. Sans compter que, comme à mes habitudes, une tasse de thé à l’anglaise résidait près de moi… J’ai alors pensé à son inanité – un peu comme pour toute chose – et toute la souillure du thé qu’elle contenait après tant d’utilisations – car le thé est meilleur infusé dans un contenant comportant encore des traces de thé.
Alors, voilà ces quelques vers, que l’on peut considérer comme ma piètre participation au défi. Je trouvais l’occasion bonne pour exercer ma plume par ces alexandrins narrés, tout comme celle de simplement m’amuser… J’espère donc, cher lecteur, que cette lecture t’aura autant profité.
Et toi, quel chemin de repentance décrirais-tu ? Sous quel point de vue, de quel objet, l’imaginerais-tu le plus parlant ?


Texte léger qui fait usage d’alexandrins contemporains. On goûte ce texte comme une bonne infusion‚ sans tout boire d’une traite‚ mais en essayant d’appréhender chaque strophe‚ chaque vers‚ chaque mot. Bref, on profite d’un bon moment tout en se réjouissant de l’humilité retrouvée de cette théière.
Deux incorrections : « on l’aimât » ==> « on l’aima ». « On la remplie » ==> « on la remplit ».
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Bravo pour ce poème et merci ! Un vrai régal. J’aime beaucoup la genèse du projet, lorsque tu te lèves et que tu vois cette théière blanche, derrière sa vitre, qui devient le point de départ de l’inspiration. » Le thé est meilleur infusé dans un contenant comportant encore des traces de thé », tout comme la repentance s’appuie sur les tâches de nos vies, nos déceptions. Lorsque nous saisissons qu’elles participent toutes au plan de Dieu, quel choc ! Pas de doute, cela nous donne une impulsion vivifiante et une saveur nouvelle, encore meilleure qu’avant.
Il est vrai que la théière ne prend pas réellement la parole, pourtant, il nous semble l’entendre parler ! C’est tout à fait le genre d’incartade à la consigne que je trouve intéressante et que j’accepte sans problème !
Sur la forme, le choix des quatrains est bon et les rimes riches très agréables, bravo ! Mais puisque nous sommes dans le cadre d’un défi, je me permets de te signaler que les alexandrins sont très irréguliers. Je ne sais pas si c’est voulu, mais, à mon avis, le poème gagnerait en harmonie en étant plus régulier.
Dommage notamment que la règle du « e » muet ne soit pas respectée (= à l’intérieur d’un vers, on compte la syllabe qui se termine par un « e » muet si la syllabe suivante commence par une consonne, on ne la compte pas si la syllabe suivante commence par une voyelle ou si elle est en fin de vers). Cette règle peut paraître obsolète, en fait, elle est utilisée dans la poésie contemporaine. Il faut aussi veiller à avoir une coupure du rythme à l’hémistiche (à la moitié du vers, soit après 6 syllabes).
Une proposition pour la première strophe :
« Laissez-moi vous conter cette fable d’hier
Visez cette étagère où trône une théière
Car de l’humble sujet de pauvre porcelaine,
Vous pourriez recevoir une leçon bien saine. »
Pour info, je te mets le décompte des syllabes sur ton poème :
Lais/sez /vous /con/ter /l’his/toi/re /de /la /thé/ière (12)
Qui /bien /sur /son /é/ta/gè/re /da/te en/co/re /d’hi/er (14)
Car /d’un /su/jet /quoi/que /de /pau/vre /por/ce/laine (12)
Pour/riez /vous /ti/rer /quel/que /le/çon /bien /saine (11)
Pour /ses /cour/bes /é/lé/gan/tes /et /son /es/to/mac (13)
Bien /bom/bé /dès /son /pre/mier /em/ploi /on /l’ai/ma (12)
La /thé/iè/re é/tait /fiè/re et /se /ri/ait /des /tasses (12)
Que /la /ma/la/dres/se /des /in/vi/tés /ren/dait /lasses (13)
La /gloi/re é/tait /pour /el/le /fi/dè/le /dans /son /rôle (13)
A /l’ef/fort /mo/des/te et /jus/que /là /sous /con/trôle (12)
Bien/tôt /pour/tant /on /est /re/pu /a /as/sez /bu (12)
El/le est /vi/de. /Dans /son /es/to/mac /ne /de/meu/re /plus (14)
Que /les /ré/mi/nis/cen/ces /bru/nâ/tres /du /thé (12)
El/le /se /sent /lai/de /la /thé/iè/re /tou/te /ta/chée (14)
Sur /son /é/ta/gè/re en/fer/mée /on /la /re/pose (12)
On /l’ou/blie /Il /se /tar/de /la /pro/chai/ne /pause (12)
Ont /sub/sis/té /quel/ques /gout/tes /chan/gées /en /larmes (12)
Bien /a/mè/res /el/les /ne /font /que /de /piè/tres /armes (13)
Con/tre /le /re/gret /qui /in/spi/re /son /mu/tisme (12)
La /pen/sée /du /be/soin /d’un /par/don /ul/time (11)
Puis /des /mains /la /sai/sis/sent /cel/les /du /maître (11)
Qu’el/le /re/con/naît /sans /pei/ne Hé/las /l’es/poir /est /traître (13)
On /ne /la /la/ve /pas /à /nou/veau /on /la /rem/plit (13)
La /thé/iè/re /ful/mi/ne El/le /se /fait /tou/te /pe/tite (14)
Mais /ain/si /que /le /thé /se /met /à /in/fu/ser (12)
Ce/lui /ci /se /fait /plus /fort /d’u/ne in/ten/si/té (12)
Nou/vel/le. Et /ce/la /grâ/ce aux /ta/ches /gar/dées /en /elle (13)
Main/te/nant /pas /de /dou/tes /c’est /bien /el/le /la /plus /belle (14)
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L’art de l’alexandrin est difficile et lire le traité de Gilles Sorgel, accessible facilement et gratuitement sur Internet, est une excellente solution à mon avis.
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Si je puis me permettre, je conseille également « L’Art des Vers » de Dorchain. Nous avons la chance d’avoir sur Plumes Chrétiennes la plus belle édition existante : https://plumeschretiennes.com/tag/dorchain/
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Très original 🙂 Bravo !
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