Pourquoi est-ce si difficile d’écrire ?

Ne me méprenez pas : dans cet article, je n’adresse pas à la simple passion de l’écriture – car, hormis quelques moments de chute d’inspiration, je n’y vois pas beaucoup d’obstacles. Le verbe « écrire », ici, s’accompagne d’une action du quotidien, d’un effort qui relève du devoir : celui de faire de l’écriture son métier.

Cela, en comparaison, est bien plus difficile que n’importe quel exercice d’écriture.

#1 – Un travail de longue haleine

Beaucoup on encore du mal à considérer l’écriture comme un « travail ». Pour certains, parce qu’il est inconcevable de lier passion au métier ; pour d’autres, parce que c’est un travail de bien maigre importance.

Tristement, je remarque deux combats : ceux qui peinent à vivre de leur plume, mais s’y essayent ; ceux qui ne laissent à l’écriture qu’une trop petite part de leur quotidien et ne parviennent ainsi qu’à une faible production. Qui donc a raison ? Faut-il préférer le confort ou la disponibilité ? Le choix se fait sur un pas de foi.

L’écriture, comme pour tout autre travail, est malheureusement ainsi fait : cela demande du temps. Alors, que faire lorsque ce temps nous échappe face à d’autres responsabilités ? Certains trouvent leur équilibre entre deux emplois : un temps partiel qui leur permet de s’engager un peu plus dans l’écriture ou une activité, comme la correction et le travail d’édition, qui permet de garder un pied dans l’écriture.

Pour ma part, je ne vois qu’une solution : oser vivre de ma plume. Cela n’est pas sans risque et il me faudra un bon soutient – tant financier que moral – mais c’est la seule issue que je peux réserver à mon activité qui en demande beaucoup. Aujourd’hui, alors que je tache fidèlement de poursuivre mes études, le constat demeure le même : je suis incapable de laisser la seconde à l’écriture. J’ai besoin de temps, de plusieurs heures devant moi chaque jours, pour pleinement me lancer et avancer dans un roman. Autrement, c’est l’échec, c’est le retard : suite de blocages, déconnection avec mon travail, frustrations… Comme pour tout travail, lorsque ça ne produit pas ses fruits, c’est désarmant !

Ceux qui se lancent dans l’écriture doivent pouvoir mesurer cet obstacle du temps et s’y accorder pleinement : l’écriture a du sens pour vous ? faites-y de la place. L’écriture n’est que l’expression d’une passion ? Alors pas d’inquiétude – le temps s’offrira tout à vous.

#2 – Un travail d’autonomie

C’est bien connu : les artistes ne connaissent qu’un seul chef, eux-mêmes. L’écriture demande discipline et autonomie : personne ne sera là pour juger de votre travail, si ce n’est vous-même. Certes, l’aide de bêta-lecteurs saura faire son chemin, mais les débuts de l’écriture d’un roman ne découlent que de votre propre volonté.

L’écrivain, s’il n’y prend pas garde, se perdra dans le temps : il restera scotché à son écran jusqu’à pas d’heures dans la simple angoisse de ne jamais faire assez ou, tout au contraire, passera davantage de son temps à s’amuser et consommer qu’à travailler. Ces deux extrêmes ont évidemment leurs conséquences : le trop plein mental pour l’un, le souci financier pour l’autre. Les horaires de l’écrivain, quelles qu’elles soient, doivent se respecter et rester fixes.

Pas tout le monde, toutefois, n’a ce don de l’autonomie – il se peut que vous ne l’aviez pas. Certains ont besoin de l’encouragement ou de la poussée d’un supérieur, parce qu’ils n’ont pas assez confiance ou sous-estimes leurs efforts. Il n’y a pas de mal à cela, tant que vous en viviez bien. Cependant, personne ne sera là pour réguler votre travail si vous décidez de vivre de votre plume – vous serez seul avec vous-même.

#3 – Un travail de solitaire

Seul. Il faut se le dire : aussi sociable que puisse être un écrivain, son travail – du moins, jusqu’à la constitution du produit – doit se faire seul. Après quoi, peut-être trouvera-t-il autres bons professionnels ou le soutien d’une Maison d’édition pour poursuivre et mettre au jour son projet. Ou, plus tristement, peut-être se sentira-t-il bien seul en ses débuts et face aux exigences de certaines Maisons d’édition.

C’est un certain paradoxe, si l’on considère que l’homme, de par sa nature, n’aime pas être seul.

Alors comment pallier le manque ? Certains écrivains, comme le groupe des Inklings, choisissent de se rassembler pour partager leurs dernières créations et en discuter. Aujourd’hui, cette pratique reste courante au travers des réseaux – mais encore faut-il pouvoir trouver âmes en qui se confier et partager en toute authenticité ses idées !

Beaucoup d’autres prennent le pas du coaching d’écriture, pour observer un avis extérieur sur son travail et se sentir l’intérêt d’un autre. C’est un rôle que je tente moi-même de remplir par occasions, comme il me paraît essentiel à chaque auteur de trouver son soutien. Aujourd’hui, toutefois, c’est plutôt moi qui en ressent le besoin !

#4 – Un manque de reconnaissance

Un autre paradoxe se situe dans la reconnaissance du travail de l’écrivain – et je vise ici surtout celle de la France. D’un côté, les français conservent une si haute estime de l’activité de l’écriture – du fait de ses nombreux auteurs renommés – que nombreux sont à se jeter dans l’aventure dans l’espoir d’en tirer une quelque gloire. D’un autre côté, il est impensable pour un français de pouvoir lier passion et métier.

Cela nous donne l’ironie suivante : l’on vous abordera d’abord avec force admiration et respect avant de massacrer votre assurance si vous osez espérer tirer le nécessaire de votre activité pour en vivre.

Il n’y a qu’à voir tout le précieux travail de la Ligue des auteurs professionnels pour comprendre que la reconnaissance des droits des artistes est encore compromise en France : difficultés à inscrire son activité comme un métier et ainsi participer aux impôts et s’assurer d’une retraite et de congés. J’espère ne rien vous apprendre en vous disant que beaucoup d’auteurs succombent à faire entendre leur voix et leurs besoins.

#5 – Un manque de résultat

Enfin, ce qui participe souvent à mon propre découragement – et ce que je devine être celui de beaucoup d’autres écrivains – est un manque premier de résultats. En d’autres termes : il est impossible à l’écrivain de se projeter sur son travail et de s’assurer de son succès.

Surtout en ses débuts, tant qu’une Maison d’édition ou de simples lecteurs (si l’auteur se destine par exemple le chemin de l’Auto-édition) ne se décidera pas à faire confiance en son travail, l’écrivain ne pourra que bien piètrement évaluer son travail : son roman est-il foncièrement mauvais ou ne nécessite-t-il simplement de quelques modifications ? Son message intéressera-t-il ?

Vous écrirez peut-être un roman en l’espace de quelques mois, mais si vous ne trouvez pas vos lecteurs, à quoi bon ?

Un peu comme pour les groupes de croissance déjà évoqués, certains se lanceront dans le partage de leurs œuvres au travers de plateformes d’écriture. Cela comporte un risque : celui de plagiat, si l’œuvre n’est pas correctement protégée par des droits légaux, mais aussi d’un manque de rétribution pour le travail – car, alors, les lecteurs ne feront que passer pour leur intérêt, sans penser à celui de l’auteur qui nécessite d’une forme d’encouragement.

Ainsi donc, l’écrivain doit pouvoir se munir d’un fidèle cercle de soutien s’il souhaite pouvoir venir à bout de ses projets : des proches qui auront foi en son travail, comme de simples lecteurs prêts à déguster son travail et à lui soumettre leur avis. Si l’écrivain peut s’assurer d’une réponse à ces plus naturels des besoins, il assurera également la poursuite de son activité.

Pou aller plus loin : lire mon article Prendre soin d’un écrivain

Comment vous sentez-vous, écrivains, face à la difficulté de l’écriture ? Quel(s) besoin(s) pensez-vous discerner aujourd’hui ? Quel est votre groupe de soutien et répond-t-il suffisamment à vos besoins ? Je vous encourage à méditer ces quelques questions pour mieux former votre possible projet de vivre de votre plume – ne restez toujours seul et équipez-vous pour gagner en efficacité.


5 réflexions sur “Pourquoi est-ce si difficile d’écrire ?

  1. Je fais partie de ceux et celles qui, comme tu le dis dans ton premier point, qui ont trouvé le « Salut » dans un travail à mi-temps. Cela me permet d’être assez soulagée financièrement (et donc libère l’esprit de cette charge) et en même temps d’avoir assez de temps pour écrire 🙂 Je ne sais pas si c’est un demi pas de foi, mais je trouve aussi très enrichissant pour mon écriture d’être « obligée » de rencontrer des gens dans mon travail, de sortir pour rencontrer des personnes avec qui je n’aurais pas forcément eu de relations parce que nous sommes trop différents sur beaucoup de choses. La diversité de ces gens est très intéressante pour inspirer mes personnages qui peuvent ainsi devenir différents. En effet, nous faisons très souvent des personnages « à notre image » alors se confronter à des personnes qui pensent, parlent, croient et vivent autrement est, je trouve, un bon exercice pour l’écrivain. Le travail à mi-temps permet cela.
    Je ne pensais pas écrire un commentaire si long mais bon XD
    Quoi qu’il en soit, c’est à chacun de trouver ses techniques pour avoir un bon équilibre d’écriture mais je voulais partager mon expérience du travail à temps partiel en plus de l’écriture 🙂

    Aimé par 1 personne

    1. Justement et bien malheureusement, pas tous les postes accordent une telle opportunité d’ouverture au monde ! Mais bénie sois-tu pour cette chance que Dieu t’accorde 🙂 et merci pour ton témoignage qui, j’espère, sauront rassurer ceux pour qui cet article aurait pu paraître trop sévère ou trop définitif.

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