
Parce qu’il fait toujours bon à un écrivain de lire et de questionn ses habitudes d’écriture, l’on m’a offert récemment le livre de conseils d’écriture « Bird by Bird » de Anne Lamott. Si je ne connaissais à vrai dire rien de cette autrice (sa renommée semble davantage se faire internationalement aux US), j’ai été agréablement surprise par ses choix de conseils et de réflexions, tous inspirés de son propre vécu. Elle y parle notamment de ses premières difficultés dans le métier, ainsi de sa vision sur le roman qui reposerait essentiellement sur la création de personnages.
Pour une fois, j’étais décidée à me laisser convaincre – moi qui ai toujours considéré le personnage seulement comme une des nombreuses caractéristiques d’un roman. En quoi le personnage est-il donc si inhérent à une œuvre de fiction (et plus particulièrement, au roman) ? Que vous partagiez ou non cette idée, ces quelques conseils sur la place du personnage vous éclaireront peut-être sur les manques de votre roman !
#1 – Le personnage au fondement de l’intrigue
« I say, don’t worry about the plot. Worry about the characters. […] The developpement of relationships create the plot. »
Anne Lamott porte tellement un point d’honneur au personnage d’une histoire qu’elle en dénigre presque la construction d’une intrigue (dont elle ne conseille d’ailleurs qu’une bien maigre visualisation). Pour elle, il n’y a pas d’histoire sans acteurs – un peu comme au théâtre, finalement – tant et si bien que ce n’est pas l’intrigue qui doit porter le personnage, bien le contraire !
Pour ma part, il me serait bien difficile de ne pas planifier mon intrigue, mais j’aime laisser mes personnages me surprendre dans leurs décisions et leur évolution. Le plan de mon histoire est alors toujours variable, même si les grands axes ne changent que très rarement – tout dépend, finalement, plutôt du message que je souhaite faire passer !
#2 – L’évolution du personnage
« If someone isn’t changed, what is the point of your story? »
Il serait trompeur de dire que certaines personnes ne changent jamais. Certes, il est possible de garder les mêmes traits toute notre vie durant, comme nous nous caractérisons tous de manies bien définies ; pour autant, la vie et ses aléas ne sont pas sans nous transformer, nous et notre vision.
Ce n’est pas pour rien si la littérature s’est beaucoup nourrie de ce thème, comme avec l’intérêt de l’enfance dans les romans romantiques, puis avec l’apparition des Bildungsroman, ces fameux romans d’apprentissage qui retracent le parcours d’un enfant à l’âge adulte. Aujourd’hui encore, on pourrait rapprocher ce thème aux romans pour jeunes adultes, qui visent à enseigner sur ce passage incontournable de la vie.
Nous avons tous une vie à raconter, à commencer par la nôtre. Que souhaitez-vous partager de vos apprentissages ?
#3 – Des personnalités bien définies
« Each of your characters has and emotional acre that they tend, or don’t tend, in certain specefic way. »
Nous y revenons : nos manies et passions forment notre personnalité. Il est possible que ces passions se croisent en celles d’un autre, mais il n’est pas possible d’obtenir une même personnalité !
Ici, Anne Lamott use d’une métaphore pour parler de la personnalité d’une personne comme d’un jardin à soi. Quelles plantes trouver dans le jardin d’un de vos personnages ? Quel état initial et quel état de fin de roman ? Quelles sont les manies d’entretient du personnage ? Le jardin indique la composition du personnage et sa façon de prendre en main l’intrigue.
#4 – Le personnage authentique
« Now, a person’s faults are largely what makes him or her likeable. »
Ce conseil, vous l’avez au moins entendu chez moi (voir mon article sur le héros de l’histoire). C’est d’ailleurs assez paradoxal, si l’on considère que l’homme vise sans cesse la perfection et à se surpasser chaque jours un peu plus. Qui, pourtant, aime un personnage parfait ? Vos amis ont tous des défauts et vous les aimez sûrement pour cela – parce qu’ils nous rassurent sur notre propre compte et nous comprennent dans nos difficultés.
Si votre personnage ne présente pas de défauts – et, à cela, je veux référer à de justes défauts – alors votre roman ne comportera ni difficultés à l’intrigue, ni évolution du personnage. En somme, votre lecteur comblera difficilement son ennui !
#5 – Le personnage en dialogue
« One line of dialogue that rings true reveals character in a way that pages of description can’t. »
J’ai beaucoup apprécié cette citation qui se révèle juste dans mon travail : on m’a souvent souligné la pertinence de mon utilisation des dialogues pour parler d’un personnage. Ce n’est pas pour autant un exercice facile et beaucoup d’auteurs préfèreront largement la description d’un personnage plutôt que de le faire connaître par le dialogue. N’est-ce pourtant pas en discutant avec un ami que nous apprenons le mieux à le cerner ?
Le dialogue, en autres, peut se caractériser des manies langagières d’un personnage qui en diront long sur sa personnalité et sa condition. Un personnage bavard écoutera difficilement son prochain et s’entraînera lui-même dans l’erreur. Un personnage qui ne parle pas à des choses à cacher, pour ne justement pas se révéler. Le dialogue fait l’objet de tactiques, selon ce que nous cherchons à montrer ou non d’un personnage.
#6 – Des personnages de confiance
« Another thing; we want a sense that an important character, like the narrator, is reliable. […] Of course, we enter a work of fiction to be manipulated, but in a pleasureable way. »
Attention toutefois à ne pas trop en faire ! Votre lecteur trouvera peut-être votre stratégie intelligente, mais n’approuvera certainement pas que l’on se moque de lui. Le tromper, comme nous croirions connaître un ami qui se révèle parfait ennemi, pourrait le dégoûter à jamais de sa lecture.
Vos personnages, s’ils ne se révèlent pas tout à fait dès le départ, doivent être dignes de confiance. Ils sont humains, ils ont le droit à l’erreur – mais tôt ou tard, ils devront se révéler entièrement et se soumettre au lecteur..
#7 – Le vilain pas si mauvais
« There shouldn’t be just a single important character in your work for whom you have compassion. You need to feel it even for the vilain – in fact, especially for the vilain. »
Il en va ainsi pour le vilain de l’histoire, aussi détestable que vous souhaiteriez le faire paraître. Le vilain lui-même demeure un être humain et gagne le droit à quelques considérations.
Qu’est-ce qui fait donc ce personnage le « vilain » de votre histoire ? Simplement sa confrontation au héros. Ses projets sont contraires à ceux du protagoniste et doivent ainsi empêcher le succès de sa quête. Ses motivations sont-elles pour autant plus mauvaises que celles du héros ? Cela est à vous de le discuter, selon votre point de vue. Mais gardez simplement cette vérité en tête : ses motivations demeurent tout aussi humaines que celles du héros, à cela seulement qu’elles en diffèrent.
Pou aller plus loin : lire mon article sur le méchant de l’histoire.
#8 – A la rencontre de ses personnage
« One final reminder: you won’t probably know your characters until weeks or months after you’ve started working with them. »
Cela n’a jamais été aussi vrai que pour moi.
Si vous me suivez depuis un moment, vous saurez que je ne dresse jamais une fiche détaillée de mes personnages avant de commencer un roman – celle-ci pourra se faire bien plus tard, dans le seul but d’éviter les incohérences, et toujours malléable. Je veux pouvoir me laisser surprendre par mon personnage, aller à sa rencontre, comme d’une simple réunion autour d’un café – ou thé, dans mon cas.
Aujourd’hui encore, à ma deuxième réécriture de mon roman L’Oiseau en cage, je ne me lasse plus de ces nouvelles rencontres qui affirment chaque fois un peu plus mes personnages. C’est là, à vrai dire, tout le défi de ma réécriture : terminer par leur donner tout le volume nécessaire à leur existence. Il m’arrive de pleurer, touchée que je suis par les piètres confidences de personnages humains. Je les écoute, puis retranscris leurs dires et impressions, de ce que j’espère être la plus fidèle des manières. La créatrice que je suis prends soin de ses créatures, sans chercher à dénigrer leurs défauts, mais en les aidant à se construire.
C’est là, selon moi, le nœud d’un roman qui saura vraiment parler.
Quel est votre point de vue sur l’importance du personnage dans un roman ? Comme vous décidez-vous généralement à le rencontrer ? Peut-être avez plus plus à apprendre de lui que vous pensez le connaître. En ce sens, je vous invite à prendre régulièrement rendez-vous avec lui, à l’occasion ou non de l’écriture de votre roman, et à le laisser de révéler chaque jour un peu plus à vous !

PS : à mon tour de me révéler un peu plus à vous ! Si vous n’avez pas encore eu l’occasion d’y jeter un oeil, je vous invite à cliquer sur ce lien vers une interview qui vous dévoilera mieux mon travail et ses objectifs. A bientôt pour de nouvelles rencontres !
Merci pour cet article très intéressant !
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