
Après le ralentissement de l’automne est venue la stérilité de l’hiver.
Voir c’est l’heure du thé #14 « Mauvaise méthode ? »
Je m’y étais préparée, mais son impact ne fut pas moins difficile à supporter. Je me sentais de plus en plus épuisée, vidée. Des questions bouleversaient mon quotidien, armées de doutes. Il y avait autour de moi comme un désert – une fuite des idées, mais aussi de soutien. J’étais seule. Seule avec moi-même. Seule à décider du prochain but.
Il a fallut choisir de s’arrêter et contempler. Prendre du temps pour soi, pour hiberner son esprit fatigué.
Je n’ai pas beaucoup écrit. C’est moi qui en ai décidé ainsi. Je voyais en mon quotidien d’autres priorités – ôter ma casquette d’écrivain pour remettre celle de l’étudiante, ainsi que celle de la spirituelle. Reconsidérer l’être et ses besoins. Chercher à équilibrer ces personnalités avant d’apprivoiser à nouveau l’écriture.
L’hiver a été long – et peut-être trop court à la fois. J’ai beaucoup appris. Peut-être même grandi. J’ai préparé un cadre nécessaire à l’épanouissement à l’écrivain en moi
Le confort de la page blanche
Suspendre.
Croyez-le ou non : l’effort n’est pas évident à accomplir. Lorsque l’on est attelé à son bureau, mains au-dessus du clavier, nous savons que nous devrions écrire. L’écriture nous susurre de la saisir, de nous laisser couler langoureusement entre ses mots. Mais il y a ce temps où nos mains se suspendent au-dessus de ce clavier, retenus par la seule force de notre esprit.
Nous savons également que si nous écrivions, nous échouerions.
La force des mots est trop superbe pour un esprit fatigué ou non disposé. Si nous ne pouvons nous y accorder pleinement, nous faussons le jeu. La page blanche, épurée, est préférable à un trop grand désordre.
Pour plusieurs jours, puis semaines, j’ai donc laissé la page blanche, n’y revenant que peu de fois. On ne peut pas dire pour autant que j’ai manqué de productivité – plutôt, au lieu de donner, j’ai pensé à prendre. Me nourrir de ce qui était.
Avant cela, il a fallu également se vider – non pas dans le travail, mais sur la page d’un carnet. Jeter ses idées sur papier et les laisser tranquilles. Y retourner si nécessaire.
Puis, lorsque la place fut vacante, il fut temps de se remplir. Prendre un livre, puis un autre. Prêter son attention au travail d’un autre. Se laisser dérangé et transformé par des mots étrangers. Vous le devinez : ce fut le temps de ma « Tolkien mania » (voir ce post instagram).
Le pouvoir des mots
Quelque part, j’avais oublié. Oublié pourquoi je devais écrire. Oublié l’importance des mots.
Oublié que mon travail était tout aussi essentiel.
Je le répète : je n’ai jamais écrit pour moi. C’est ce qui rend l’exercice d’autant plus difficile. Ces mots que je pose à chaque jour ne me sont aucunement destinés. Plutôt, je les écris pour le monde. Pour lui confier un message.
Tolkien éprouvait beaucoup de satisfaction personnelle à écrire – mais quelque part, au fond de lui, brûlait un désir plus ardent : celui de toucher les cœurs pour les embaumer de belles, quoique dures, réalités. Tolkien voulait faire parler la vérité. Et il y est parvenu, selon moi : j’ai en tout cas rarement été aussi touchée par le travail et les mots d’un auteur.
Plus encore, je me suis reconnue dans son appel. Tolkien m’a rappelé la vérité sur mon travail – montré ce qui devait être fait.
Fournir au monde les mots nécessaires. Guérir comme j’avais été guérie.
Apprendre pour désapprendre
Mais il y avait à cette nouvelle étape un obstacle : apprendre. Je dirais même plus : s’autoriser à apprendre (voir mon dernier post instagram).
Il faut le comprendre : j’ai toujours dû me débrouiller seule. Sept ans, j’ai parcouru les voies de l’écriture avec pour seul jugement le mien. J’ai beaucoup appris, ai suscité beaucoup d’admiration – mais cela n’a pas été assez.
Je me suis retrouvée bloquée. Je n’étais plus capable de juger correctement mon travail.
Demander de l’aide à été plutôt facile – le recevoir a été une autre paire de manches. Si j’étais particulièrement enthousiaste à l’idée de recevoir de premières critiques constructives, quelque chose en moi se défit. Me rendre à mon habituel rendez-vous d’écriture se compliqua. Je pris peur à mon propre texte.
On ne change pas d’un claquement de doigts. Une habitude prise met du temps à partir – naturellement, les bonnes comme les mauvaises. On n’efface pas sept ans de parcours seul.
Il n’y avait pourtant que moi pour faire ce travail. J’ai dû me faire traîtresse à moi-même avant de devenir bienfaitrice. J’ai dû saisir les peaux de mon travail pour les cisailler avec larmes et douleurs. On repense au passage dans « The Voyage of the Dawn Treader » où Eustace doit se défaire de ses peaux de dragon pour retrouver sa forme de garçon.
Je suis encore loin de parvenir au bon résultat et le travail est encore long. Mais je sais que cet effort portera ses fruits. Je dois garder confiance.
Cela demande aussi une part d’humilité, vouloir apprendre. L’humilité donne la force et l’indulgence nécessaire à tout avancement. Et Dieu sait combien je manque terriblement d’indulgence… De même, j’ai besoin de prier pour Sa force.
L’aventure de l’écriture fait grandir, elle transforme l’écrivain, comme je l’ai partagé dans mon article sur le voyage du Hobbit. C’est en cette pleine transformation que je trouve difficile de parler – car alors, les pensées ne semblent plus si cohérentes. Pardonnez-moi donc ce manque d’activité sur mon blog, car je questionne souvent ma légitimité à vous écrire et à vous enseigner. On ne peut pas dire qu’il y ait de bonne réponse à cela, hormis que personne ne serait parfaitement légitime dans ce domaine. Là encore, c’est à Dieu que je dois demander pleine Sagesse, pour répondre au mieux à vos besoins.
Ecrire la vérité, tout comme le cherchait Tolkien.
En attendant un plus franc retour – un peu comme pour le roi de Gondor – je vous souhaite une expérience toute particulière de l’écriture, riche et sereine. Si vous traversez aussi des déserts, je vous prie de vous montrer indulgents envers vous-mêmes. Acceptez d’apprendre. Acceptez à lâcher les rênes de vos anciennes habitudes. Acceptez de changer.
Soyez bénis en ce doux dimanche.

Très beau texte, très touchant. La neige commence à fondre, Aslan est là. Sois bénie également.
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