Si l’écriture était – « The Great Gatsby » de F. Scott Fitzgerald

La première fois que l’on m’a introduite à l’histoire de Gatbsy, je n’ai pu éprouver qu’une fascination toute particulière pour ces personnages mystérieux et nuancés, et dont les rapports n’ont pas dépassé un été. L’œuvre complète de Fitzgerald n’est m’est toutefois apparu en main qu’en première année de Licence, marquant toujours plus profondément mon esprit – inévitablement, le roman est devenu un de mes livres coup de cœur.

Il y aurait tant à en dire – et je compte bien en faire d’autres articles. Mais je pense que si l’œuvre de F. Scott Fitzgerald m’a autant remuée, c’est parce qu’elle reflète si bien la réalité – et dans laquelle d’autres réalités peuvent trouver écho.

Pour moi, l’histoire de Gatsby résume finalement bien une part, quoique sombre, de l’aventure de l’écriture.

Auteur ou narrateur ?

“I was within and without, simultaneously enchanted and repelled by the inexhaustible variety of life.”

Dans l’œuvre de F. Scott Fitzgerald, il n’est pas bien clair la distinction entre l’auteur et le narrateur, interne au récit.

Nick Carraway est témoin de la catabase de Gatsby et nous le rapporte comme de sa propre plume, par la poésie de ses mots. Lorsqu’il commence par partager une leçon de morale instruite par son père, nous ne sommes toutefois pas si sûrs d’avoir à notre côté un personnage des plus fictifs – se pose alors la question : Nick Carraway ne serait-il pas d’une quelque manière un persona de l’auteur ?

Quoi qu’il en soit, le regard qu’il porte aux autres personnages, qu’il assiste de près comme de loin, me fait beaucoup penser au regard qu’un auteur accorde à ses propres personnages – si nous les glissons dans le récit, nous ne les contrôlons pas tout à fait. Nous venons plutôt à leur rencontre pour les découvrir tour à tour au fil des péripéties.

Comme Gatsby le fut à Nick, le personnage est d’abord étranger à son auteur.

Par tous les moyens du monde

“There are only the pursued, the pursuing, the busy and the tired.”

Gatsby, ainsi que le lecteur apprend, est issu d’un contexte trop pauvre pour contenir tous ses rêves de gloires. Il rêve de poursuivre les voies du monde et de la réussite, et n’hésite pas à recourir pour cet effet aux pratiques des plus illégales et immorales – amenant ses propres clients à enfreindre la loi par la consommation interdite d’alcool.

L’écrivain n’est pas loin de le suivre – car il est difficile de subsister de l’écriture et de se faire aimer du public, lui aussi est parfois poussé à emprunter les voies du monde pour réussir.

On le voit avant tout sur les réseaux : cette précipitation pour plaire aux lecteurs en proposant un contenu populaire, quoique ne représentant pas particulièrement ses valeurs. Le sacrifice ne semble pas si important, l’espoir de gloire étant bien plus éclatant. Mais l’appréciation du lectorat est bien trompeur – un faux pas et tout s’effondre.

Ainsi Gatsby lança-t-il ses plus belles soirées, au plus grand bonheur de toutes les personnalités de New York – personne, toutefois, ne s’intéressa à vraiment connaître son hôte. Après sa mort, il n’y eut plus personne pour glorifier Gatsby – en dehors de son fidèle ami Nick. Pas un ne souhaitait se présenter à ses obsèques.

De la même manière, la renommée que peut se construire un auteur n’est qu’illusoire.

Le mal du jugement

“Whenever you feel like criticizing any one,” he told me, “just remember that all the people in this world haven’t had the advantages that you’ve had.”

Le roman de F. Scott Fitzgerald est avant tout une leçon de morale – plus particulièrement, sur les opinions que l’on peut se faire de chacun. Envie, convoitise, regrets – tout passe à la trame des vies de ces personnages qui n’auraient pu être plus humains, ni particulièrement bon, ni plus mauvais. Gatbsy se fait un idéal de la vie de richesse tandis que celle-ci peut conduire à commettre bien des impairs, comme la tromperie.

S’il y a bien un métier où tel mauvais jugement peut éconduire, c’est bien celui de la pratique de l’art, quelqu’elle soit. Comparaison, jalousie, orgueil – nous nous fions à ce que nous observons plutôt que de chercher à comprendre. Comment cet auteur parvient-il à publier avec tant de rapidité ? Comment expliquer son succès ? Le jugement nous conduit à des questionnements qui nous bride de rage et de désespoir – nos yeux trop humains sont obscurcis par les œillères que nous nous accordons.

Nick semble le seul à percevoir les réalités telles qu’elles sont, dans leurs plus belles comme leurs plus mauvaises passes – tout en aillant à l’œil la vanité qui poursuit chaque être humain. Son pouvoir : l’acceptation sans tenir compte de son opinion.

De même, nous tous auteurs devrions-nous mettre un point d’honneur à l’humilité – accepter l’injustice des contextes plus propices à d’autres, mais ne pas moins concevoir la possibilité de l’écriture partout, quoiqu’imparfaite.

Une lumière dégradante

« Gatsby believed in the green light, the orgastic future that year by year recedes before us. »

Gatbsy a de trop grands rêves – longtemps, jour après jour, il ne se préoccupe que d’une chose : cette lumière verte éclatante qui semble briller pour lui dans le noir. Daisy – l’amour qu’il poursuit imperturbablement. Mais une fois obtenue, la lumière cesse son éclat – elle n’est plus qu’une simple lumière, comme d’autres. Gatbsy n’a plus rien à poursuivre – avant de perdre intégralement ce qu’il pensait avoir obtenu.

Tout espoir, si mal motivé, est irrémédiablement illusoire. La renommée, l’argent, un premier livre entre les mains – tous ces espoirs sont voués à être bafoués une fois obtenus. Il n’y a plus rien après – plus rien pour nous faire avancer. Au contraire, l’espoir de progresser, de servir ses lecteurs ou simplement de répondre à l’appel de votre cœur ne pourra jamais faiblir – on ne cherche plus un idéal à obtenir, mais plutôt un objectif à atteindre chaque jours.

Le parcours de Gatsby n’ a pas à être le nôtre, si nous nous équipons en conséquence et cherchons chaque jour à réviser nos points de vue et motivations. L’écriture, dépourvue de son aspect idéal et grandiose, ne ralentira que les plus mal aguerris – à ceux capables d’examiner et d’accepter les réalités, elle donnera lieu à une aventure pas moins belle.

Prenons donc ce dramatique récit comme une bonne leçon à nous-mêmes. Et s’il arrivait pour nous de chuter, prenons ce temps où nous n’avançons plus comme une occasion d’observer notre environnement. Tendons le verre non pas à notre propre gloire, mais à des motifs bien plus louables !


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