
Si vous me suivez, vous saurez que j’ai repris mon roman L’Oiseau en cage depuis l’automne, pour une seconde phase de réécriture. Cette fois, toutefois, j’ai décidé de me trouver un accompagnateur – à la fois comme bêta-lecteur, relisant et annotant mon texte, mais également comme coach sur mon travail, pour me suivre et m’encourager.
Du fait de la pression de mes études, je n’ai pu accorder beaucoup de mon temps à l’écriture – le processus de réécriture a donc été long, mais peut-être aussi nécessaire. Car il faut aussi suffisamment de temps au cerveau pour se désintéresser de ses précédentes mauvaises habitudes et mettre en marche de plus saines.
Finalement, après tout ce temps à demeurer bloquée devant ma plume et ne sachant comment progresser autrement, j’ai atteint mon but : grâce au point de vue extérieur accordé à mon travail, mes propres yeux ont pu s’ouvrir aux défauts de ma plume.
Ces quelques leçons que j’ai pu apprendre au travers de cette dernière réécriture, je vous les partage dans cet article.
Voir aussi : « Aimer la réécriture en 5 étapes »
#1 – Rien ne sert d’additionner les subordonnées
La première fois que l’on m’a énoncé mon problème avec les subordonnées, sans toutefois clairement le formuler, je n’ai fait que contourner le problème.
« Supprime tous les participes passés de ton texte », me disait-on tout bonnement. J’ai obéi – il suffisait de les remplacer par des subordonnées relatives. Celles-ci ont hélas pollué bien plus longtemps les courants de ma plume…
Le problème n’est pas tant notre façon d’embellir notre texte, par des subordonnées de tous types – plutôt, nous surestimons la capacité des subordonnées. Là où elles sont utiles à mettre en valeur certains détails, à clarifier ou à faire évoluer le rythme du récit, elles finissent par tuer le texte.
Ne croyez pas que je les condamne – au contraire, les subordonnées sont un incroyable outils. Mais comme tout, elles demandent discernement et raisonnabilité. Je découvre encore que la plupart des informations que je faisais passer sous subordonnées n’étaient pas tellement nécessaires – ou, au contraire, qu’elles nécessitaient d’une bien meilleure attention, en les distinguant du reste de la phrase.
J’ai passé des années à mener une ferme opposition à tous ces auteurs qui osaient défendre la phrase simple, aussi efficace qu’elle est. Je ne peux maintenant qu’agréer avec force.
#2 – Le mot dans sa splendeur
La précision des mots a toujours été une de mes premières préoccupations – mais en cherchant à tellement faire, je ne pouvais qu’inévitablement échouer.
Je pensais que rencontrer chaque jour de nouveaux mots m’accorderait de pouvoir les réutiliser avec originalité. Je ne prêtais alors pas tant attention à leur sens – ils étaient jolis, sonnaient bien. Pourquoi ne pas s’amuser un peu à les essayer en tous contextes ?
Finalement, la conséquence a été plus terrible que la simple mésinterprétation du sens des mots : j’en ai oublié la force des mots moins originaux.
Quelque part, j’ai dû réapprendre à goûter aux mots – chacun dans leurs pleines qualités, mais avec égalité. Apprécier les mots du quotidien, mais aussi réviser leur pertinence.
Il n’est pas une erreur de vouloir jouer avec les mots et les utiliser en différents contextes – mais si emportés trop loin du cadre de leur signification, je crée alors mon propre langage, trop loin de celui du lecteur qui ne me comprendra pas. Le retour régulier au dictionnaire devient alors inévitable.
#3 – L’intérêt des motifs du personnage
L’on m’a également souvent rappelé à un problème avec mes personnages – et il m’aura fallu tout ce temps pour pleinement le découvrir. Je ne comprenais pas pourquoi mes personnages, quoique attachants, semblaient toujours manquer de profondeur – je me suis rendue compte qu’ils manquaient tout simplement de motifs à certains aspects de leur vie.
Sans cela, on pourrait presque dire que le récit ne tient pas ! Comment, en effet, justifier tel ou tel acte d’un personnage ? Comment mieux le comprendre, sans réelle explication sur l’état de ses pensées ?
Passé ma honte, je peux désormais dire que mes personnages s’en trouvent effectivement mieux ainsi – et quel plaisir pour moi de les rencontrer sous un nouveau jour, avec plus grande complicité encore…
#4 – L’appel à la vigilance de l’insatisfaction
Lorsque l’on écrit quelque chose, difficile par la suite de vouloir passer la belle plante au sécateur – une étape que l’on sait pourtant tout aussi essentielle. Alors, nous fermons à demi les yeux et procédons à la suppression des mauvaises pousses tant bien que mal.
Parfois, nous laissons quelques pousses malgré tout… car quel mal cela pourrait-il vraiment faire ?
Puis, lorsque nous revenons voir la plante dès le lendemain, nous réalisons qu’elle ne paye toujours pas bonne mine – les mauvaises pousses restées ont fini par contaminer les bonnes pousses. Il aurait mieux valu tout couper pour laisser la plante repousser de plus belle.
Pareillement, lorsque l’insatisfaction nous envoie quelques signaux, n’hésitons pas à interroger par deux fois notre texte – et à le supprimer, si l’insatisfaction persiste. Ne laissez pas une chose dont vous ne pourrez être même un peu fier. Peut-être même n’avez-vous pas tellement besoin de ce qui est à supprimer, comme cela se révèle bien souvent…
#5 – Se rassasier du progrès
Il y a une force à revoir son texte chaque fois d’un œil nouveau, mais toujours avec l’indulgence du lecteur – car cela nous permet de constater tout le chemin parcouru.
Le progrès n’est pas seulement pour notre texte – il est aussi pour nous, affirme la légitimité de notre plume et alimente notre confiance. Prendre le temps de relire et constater les améliorations de mon texte m’aide à aller de l’avant, et me rappelle la raison d’être de ce roman (voir mon article « Quand l’écriture prend un goût amer »)
Comme pour toute relation, plus vous apprécierez et noterez la progression de votre intimité, plus vous voudrez revoir cette personne encore et encore – ou, ici en l’occurrence, accorder un rendez-vous à voter roman.
#6 – La clarté avant tout
Finalement, on pourrait conclure par ce point : la correction de ma perception des subordonnées, mon apprentissage à prêter davantage attention aux mots, le développement de mes personnages et la suppression de passages après l’alerte de l’insatisfaction – tout mène à réguler la communication de mon message au lecteur afin de le rendre au plus clair.
Oui, l’écrivain peut s’accorder la liberté des mots, mais pas au sacrifice de la clarté de son texte – mieux vaut des phrases peu alambiquées et à la portée de tous. Pareillement, mieux vaut un personnage bien dressé qu’un simple guide auquel le lecteur ne pourrait tout à fait se raccrocher et se retrouver.
Ces leçons n’ont d’abord pas été évidentes à considérer pour moi – car pour chacun de ces défauts, il fut difficile pour moi de les dissocier de mon style. Je pensais que ma plume était ainsi : complexe et lourde, à chercher les grands mots, et que cela était bon à sa manière. Finalement, c’est comme excuser ses défauts lorsque quelqu’un cherche à vous les pointer – allons-nous vraiment refuser de changer ? Il n’y a certes pas un seul style correct – mais nous ne pouvons pas non plus accepter tout dans notre style. Il y aura toujours de quoi à y revoir.
J’ai encore beaucoup à apprendre – mais je suis contente tout de même de ces bons pas. Ces leçons m’ont permis de renouer avec ma plume avec plus de confiance – je vois maintenant les points où je dois travailler. Et vous, quelles ont été vos dernières leçons d’écriture ? A bientôt pour la suite des aventures…

Une réflexion sur “6 leçons tirées de ma dernière réécriture”