
Là où je vis, cela fait un moment que l’été se fait ressentir – l’air se réchauffe, les glaciers ouvrent leurs kiosques. Le soleil se lève tôt – les jours se rallongent. Les fraises débordent les étales de marchands et composent mes dernières créations culinaires.
Après une année finie en beauté, je peux enfin me préoccuper à mieux : m’installer à mon bureau, mains sur le clavier. Détrompez-vous – cela n’a pu commencer aussi simplement. Pour dire la vérité, je crois que le plus grand effort se révéla être de s’asseoir effectivement à mon bureau – mais surtout, d’y rester.
C’est de cet exercice dont j’aimerais vous parler.
Jeter l’ancre
Après avoir longtemps été ballotée par les courants du quotidien et des doutes, pas évident de se remettre à l’écriture. C’est comme décider de rendre visite à un vieil ami, mais trop longtemps perdu de vue – les premiers temps demandent un effort, s’aggravent d’embarras, puis laissent le pas à de bons bavardages et, avec un peu de chance, une plus grande complicité encore.
Ces derniers mois, j’ai trop négligé ma plume – il est évident qu’elle aurait pu me bouder, mais c’est plutôt moi qui boudait la relation. J’avais peur – et si ma plume finissait par se retourner contre moi, de colère ? Et si de ma plume ne coulait plus que de vilains mots à faire fuir plus d’un ? Finalement, le plus simple semblait de retarder la rencontre.
Je ne me suis pas tout de suite installée à mon bureau – j’ai plutôt profité de temps à part pour libérer mon esprit des mois passés à trimer tout le long de mon semestre en licence d’anglais. Le semestre n’avait d’ailleurs pas été si terrible, puisqu’il m’avait permis de me plonger un peu plus dans des ouvrages de littérature et de travailler ma rédaction – via le rendu d’un dossier et d’une courte nouvelle, notamment – quoique dans une autre langue. Je m’étais bien amusée – surtout que mon dossier, je dois l’avouer, reposait sur le sujet du thé dans l’Angleterre et ses colonies au XIXe…
Oui, je pensais avoir plutôt bien mérité une pause – mais c’était aussi surtout une excuse. Puis, dix jours passés, j’ai dû retourner de nouveau à mon bureau.
Je ne sus plus où commencer. Je tirai la grimace.
Lire aussi le bilan de mon dernier défi hebdomadaire
Amarrer de nouvelles habitudes
Il n’est pas intrinsèquement mauvais de perdre de ses habitudes – surtout si les habitudes en question se déclarent plutôt mauvaises… Mais cela est fatiguant – car il faut alors en construire de nouvelles. Pire encore, il faut parfois revoir les fondations pour construire sur de nouvelles bases.
On peut dire que, contre toute attente, je n’ai pas perdu mon temps – une angoisse dont je vous faisais part dans ce billet #2. Ce temps loin de ma plume était non seulement nécessaire à moi-même – car je ne crois pas avoir autant appris de toute mon existence que ces mois passés réunis – mais aussi à ma plume. Ma plume avait en effet besoin de maturation – je le savais, mais la manière d’y parvenir m’échappait complètement.
Il n’y avait que le temps pour me guérir de mes mauvaises habitudes et redémarrer plus franchement. Mais il faut alors pouvoir recommencer à zéro – affronter la montagne que l’écriture paraît désormais.
Voir mon article « 6 leçons tirées de ma dernière réécriture »
Je n’ai pas eu le choix : comme mon premier jour de conduite, il m’a fallu rouler à petite vitesse – et ne surtout pas me précipiter pour embrayer la suivante. Ce n’était pas exactement ce que j’avais envisagé – tout mon corps criait de passer mes journées à l’écriture, puis gémissait dès la première heure terminée.
Prendre ses voiles
J’ai donc levé l’ancre, puis manœuvré doucement, accordant de courts moment d’écriture par-ci et par-là, mais écrivant chaque jour. L’effort a payé – au bout d’une semaine à peine, je prenais déjà plus fière allure. Je pus embrayer la seconde vitesse.
La première fois que l’on m’a lancé en voiture sur autoroute, je n’avais même pas passé une dizaine d’heures au volant. Sans surprise, après avoir goûté à l’enivrante rapidité, j’ai éprouvé des difficultés à réduire mon allure en ville – je n’avais alors pas le sentiment de conduire si vite et dangereusement ! Le même souci peut se poser en écriture.
Il n’est pas évident de ralentir après avoir pris la vitesse d’un bateau de croisière, tout comme la précipitation peut nous aveugler sur le réel état de notre œuvre. Ne suis-je pas en train de hâter la construction ? Est-il sage de garder un tel rythme si peu après avoir repris l’écriture ? L’océan ne semble pas bien menaçant à première vue – mais on connaît tous les tempêtes qui détrompent rapidement cette première impression.
Voyager
Un retour à l’écriture ne se fait donc pas sans précautions. Mais plus encore, il ne se fait pas sans expériences. Je m’explique.
Mon été étant plutôt bien rempli, je ne pouvais accorder pleinement qu’un mois à l’écriture – celui de juin. Un mois où l’écriture régulait mes journées, car sans obstacles pour ralentir la belle vitesse. Cela ne pouvait durer – je démarre bientôt un emploi d’un mois en maison d’édition avant de poursuivre d’autres activités pour l’été. En sommes, il sera fort probable que je ne pourrai pleinement retourner à l’écriture avant la mi-août – puis, un mois plus tard, la reprise à l’université cassera à nouveau mon rythme.
J’aime dire qu’il y a toujours un temps pour tout – ces prochains temps, je ne sais quel temps je pourrai accorder à l’écriture. Mais je me promets de le saisir du mieux que je peux.
Ces périodes de changements font partie de l’expérience et de l’aventure de l’écriture – si nous ne pouvons les accepter, nous ne devrions pas accepter l’écriture. L’écriture n’est vraiment que pour ceux qui savent la saisir – je ne dis pas par là que toute période est propice même un temps soi à l’écriture, plutôt que nous devrions l’accueillir dès que nous le pouvons, et ce même si le déséquilibre peut parfois paraître terrible. C’est là une mentalité que je souhaite poursuivre.
Ce mois d’écriture passé, je peux dire avoir atteint un de mes objectifs – considérer plus concrètement l’éventualité de vivre un jour de ma plume. La chose, si idéale, m’interrogeait sur mes capacités – parviendrais-je à rester constante chaque jour ? Comment fonctionnerait ma discipline ? Si j’ai encore beaucoup à apprendre sur cet aspect de l’écriture, je peux dire m’être sentie plutôt confiante tout le mois durant. Je pense sincèrement que la chose me serait possible, lorsque le temps sera venu.
Mais le voyage est encore bien inconnu, au moins pour les années à venir. Les flots sont plutôt calmes, mais qui sait ce qui approche ni quand je toucherai enfin terre ? Toutes ces questions font partie du voyage et je sais ne pas avoir à les craindre. Alors, je me contente de fixer l’horizon avec espoir.
Et vous, qu’en est-il de votre propre voyage ?
