
Lorsque j’écris, c’est dans une quête de la liberté, par la vérité. Je ne veux rien taire de ce que j’observe – rien cacher de la vérité dans toute sa splendeur et ses ombres plus terribles. Cette vérité, je la trouve sans mal autour de moi, ma sensibilité me donnant souvent la clef à des accès plus difficiles.
Mais lorsqu’il s’agit de décrire la vérité qui est en moi, le jeu se complique.
La sensibilité est une épée à double tranchant – elle fraye un chemin vers la compréhension avant de se retourner contre son utilisateur. Elle poignarde dans le dos lorsque l’on s’y attend le moins – du moins, tant que nous n’en avons pas encore gagné le contrôle.
Comme beaucoup de personnalités dotés d’une telle sensibilité, j’ai appris à me forger une belle coque de noix pour me prémunir de ces émotions trop fortes, car trop humaines – tant et si bien que, grandissant, je ne me rappelais plus ma sensibilité, pourtant tapie là. J’ai détourné le regard à ces émotions trop fortes, ne pouvant me résoudre de les confronter. Grave erreur – car, tapies là, elles n’en deviennent que plus fortes.
Cette réalité là de mon intérieur, je ne l’affronte qu’avec difficulté – et avec la plume. La plume pénètre mon propre cœur pour en extirper tout le pus. Il n’est pas beau à voir – et cela coule sur les pages. Mais il y a également une beauté à cette laideur, plus que je ne pourrai jamais le nier – parce que cette laideur appartient à la vérité.
Comment donc accepter cette sensibilité en tant qu’artiste ? Je sais le processus nécessaire – non seulement pour moi, car il ne fait pas bon de garder cette vérité trop lourde pour soi, mais également pour les lecteurs lisent pour connaître et se connecter avec cette vérité. Je ne peux pas seulement écrire ce que je peux observer – il faut que je le vive, moi aussi.
C’est ce qui s’est produit, alors que je m’y attendais le moins. Reprenant un roman abandonné depuis près d’un an, j’ai compris pourquoi il avait été nécessaire de le mettre un temps de côté – il fallait d’abord que je vive certaines choses et que je sois prête à les partager, même si cela impliquait un cœur ouvert en entier. L’écriture m’a beaucoup épuisé – mais elle a également été libératrice en bien des points, répondant d’abord à mes questions avant de pouvoir connecter au cœur du lecteur.
Il fallait que cette vérité jaillisse, au prix même d’en souffrir pour un temps.
L’exercice ne promet pas d’être plus évident à l’avenir – il y aura toujours ce combat en moi avant d’accoucher de la vérité. Quelque part, la vérité est toujours plus facile à afficher aux autres – c’est que eux la repèrent généralement avant nous à notre sujet. Mais elle n’est pas évidente à afficher à soi – ce à quoi l’exercice du premier jet se prête volontiers.
Ne craignez donc pas cette épée, amis artistes – ou, plus précisément, ces émotions qui vous composent. Gagnez en authenticité dans votre coup de main. Révélez d’abord le tableau qui est en vous avant de dresser celui qui vous entoure. Vous ne le regretterez pas.
