La complexité de la réécriture

Cette idée d’article m’est venue après un commentaire qui m’avait été fait sur « aimer la réécriture en 5 étapes« . L’auteur me décrivait sa difficulté à réécrire ces textes sans un sentiment de culpabilité et de fausseté – de ce fait, elle ne pouvait pleinement apprécier l’étape de la réécriture.

Ayant toujours apprécié la réécriture, je ne comprenais pas bien ce qui pouvait parfois faire obstacle à d’autres – mais cette question du sentiment de fausseté dans son texte m’a déjà été familière ! La réécriture est complexe, car elle demande une révision de son style et de ses habitudes – et croyez-le, j’en apprends beaucoup de ma présente réécriture de L’Oiseau en cage… La réécriture est là comme pour résoudre un conflit, entre l’auteur du passé et celui de l’instant T. Comme pour tout changement, cela demande de tourner le dos à nos premières impressions pour aller au-delà.

Mais alors, qu’est-ce que cela signifie concrètement pour notre texte ? S’il y a besoin de réécriture, cela veut-il dire que nous étions dans l’erreur dès le départ ?

La peur du changement

Ces derniers mois, j’ai été éprouvée de bien des manières – mais ces épreuves avaient le but bien précis de me transformer en changeant pour toujours ma vision. J’estime avoir désormais atteint des eaux plus calmes, mais la mer sans horizon ne fait pas moins peur. Il y a trop d’inconnues devant moi !

Je pense que beaucoup d’auteurs réagissent d’une même façon : par la peur. Sur notre bateau usé par le vent des tempêtes, nous perdons en assurance – suis-je vraiment équipé pour la tâche ?

La réécriture, comme tout changement, est pourtant une étape nécessaire et n’attends pas que nous soyons préparés. La réécriture, comme l’écriture, demande une large liberté de manœuvre que peut nous donner l’indulgence – nous ne savons pas où nous allons, mais nous y allons quand même.

Faites donc un peu confiance à votre bateau – s’il a su affronter les vents, il tiendra la route jusqu’au bout.

Où est le vrai ?

On perd la boussole à force de tourner – ce que nos émotions indiquaient un temps n’indiqueront pas forcément la même voie un autre temps. Cela signifie-t-il que l’une ou l’autre occurrence est fausse ? Je ne pense pas.

Ce que nous avions voulu exprimer par le passé était vrai, aussi maladroit que le texte puisse paraître. Nous nous sommes adonnés à l’écriture avec le cœur – nous pouvons faire de même avec la réécriture. Le plus difficile demeure à faire un choix : quelle vérité souhaitons nous conserver ? Il est fort probable que vous vous résoudrez à la plus récente, qui vous paraîtra au plus proche de votre expérience. Vous faites bien.

Vous ne déniez pas un texte en le réécrivant – vous en faites simplement une nouvelle lecture, plus mature. Pourquoi supprimer votre premier texte ? Il existe tout autant que le second. Prenez donc garde à bien conserver votre premier jet, sans retouches – il y aura du plaisir à s’y replonger plus tard, notamment pour noter l’évolution de votre pensée !

La distance, ami ou ennemi ?

La réécriture demande beaucoup de distance – comme l’œil d’un scientifique observant au travers d’un microscope. Elle demande juste critique et indulgence face à soi-même – la réécriture est le reflet de notre introspection et demande une approche avec minutie pour réussir l’expérience sans danger.

C’est pourquoi on conseille très régulièrement aux auteurs de laisser reposer leur texte pour un bon mois ou plus avant de le reprendre – cette attente sera la loupe nécessaire à une bonne vision. Parfois, elle n’est pas suffisante – c’est ce que l’on remarque lorsque nous revenons sur un vieux texte, quelques années plus tard, et discernons tous ses défauts (notamment sur la maturité des idées). D’autres fois, elle n’est pas tant utile – surtout si l’écriture du premier jet a été long et laborieux, marque d’un travail réfléchi.

Pour autant, ne ne devrions pas opérer avec un cœur sans sympathie pour notre patient – ce que nous risquons à trop vouloir nous distancer. Il est bon de critiquer sa création, mais non de s’en dissocier ! En ce sens, l’auteur de la réécriture demeure l’auteur du premier jet, quoique changé.

Mon texte nécessite-t-il une réécriture ?

Enfin, une question qui mérite tout de même d’être posée : tout texte nécessite-t-il de sa réécriture ?

Beaucoup de mes écrits ne sont pas destinés à la publications, mais ont été rédigés dans un but personnel – ils reposent, tranquilles, dans des carnets. Ces textes, je n’y retouche pas, alors même qu’ils sont maladroits et plein de fautes. Je le pourrais, me diriez-vous – un bon correcteur ou biffage, et le tour serait joué. Mais je ne le veux pas : cette fois, c’est le vrai de mes premières impressions que je veux conserver, même si avec du recul, je sais y voir l’erreur.

Je ne pourrais pour autant laisser le premier jet d’un roman sans le faire suivre d’une réécriture – car, alors, j’aurais bien honte de mon travail ! Lorsque l’on veut s’adresser au reste du monde, il faut savoir être des plus clairs et concis – ce sont les toutes les qualités de la bonne communication d’un message. Malheureusement, un auteur réussi rarement à soigner son message dès le premier coup – même les orateurs comme Churchill retravaillent plusieurs fois leur message avant de l’adresser.

Finalement, la réécriture reste un choix. Quel est notre véritable but en rédigeant ce texte ? Est-il de porter un message clair à des lecteurs ou de conserver l’authenticité d’un temps révolu ? Si vous comprenez pourquoi la réécriture vous sera nécessaire et si vous en faites vous-même le choix, il est fort probable que vous l’accomplirez avec un cœur plus ouvert – rempli d’indulgence et fidèle à vous-même. Et si vous ressentez toujours ce sentiment de fausseté lors de votre réécriture, c’est peut-être que votre vision est encore à corriger – ce qu’une autre réécriture pourra vous être utile pour la suite.

J’espère que cet article aura su aider à décomplexer votre relation avec la réécriture, si celle-ci a tendance à vous culpabiliser. Prenez le temps d’interroger vos motivations et confrontez ce qui fait obstacle à la réécriture. Si d’autres vous viennent en tête, n’hésitez pas à me laisser en commentaire et c’est avec joie que j’en discuterai avec vous – il faut bien de quoi alimenter ce blog !


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