C’est l’heure du thé #19 – Là où l’écriture doit changer

Les saisons sont passées, me transformant à chaque instant, éprouvant mes habitudes et mes limites – éprouvant également mon écriture. Il y a un an, j’ai décidé de tout apprendre de l’écriture. Après 7 ans d’écriture solitaire, j’ai décidé de m’ouvrir aux regards inconnus, pour creuser le mien. J’ai ralenti, mais je n’ai pas moins travaillé ma plume, parfois jusqu’à épuisement.

J’ai aussi pris le temps de vivre – interroger mon moi le plus profond. J’ai appris à me connaître, quoiqu’encore trop imparfaitement. J’ai cherché à renouveler mes visions, tant sur l’abord du travail que du quotidien. Enfin, j’ai pu embrasser de nouveaux désirs.

J’ai changé, profondément. Il est temps que mon écriture en fasse de même.

Je me suis égarée

Comme vous l’avez suivi sur ce blog, je me suis égarée, mes ambitions challengées. L’écriture a perdu de sa place fétiche dans ma vie – pour le meilleur ou pour le pire.

Je n’ai plus beaucoup touché à des premiers jets, visant plutôt à retravailler de vieux textes pour en comprendre les défauts. Malgré cela, je n’y voyais rien, et en ai vite grandi une frustration : pourquoi mon texte ne me satisfaisait-il toujours pas ?

Puis, lorsque des avis extérieurs m’ont enfin donné de voir, le soulagement n’a été que de courte durée – il y avait tant à revoir. Moi, éternelle perfectionniste, allait devoir mettre les bouchées doubles pour opérer, non plus mon roman, mais le cœur de ma plume. Le terrain obtenu était large, après toutes ces années à écrire dans la liberté de ma seule vision – mais les mauvaises pousses étaient denses à arracher.

Ralentir, me donner le temps, parut alors une clef nécessaire à la réussite de mon objectif. Ôter pousse après pousse – mais également du temps de repos. Il n’y a vraiment que le temps pour faire grandir et faire apparaître les premiers fruits, puis les faire mûrir par la réflexion.

L’écriture a pris un goût amer. J’ai manqué de nombreux rendez-vous – il n’y avait plus la même envie. Les progrès me faisaient sourire, mais je ne trouvais plus la même liberté. L’écriture se transforma en doute : était-il donc vraiment possible de parvenir à quelque chose ? Si le plaisir était maintenant absent, comment étais-je à poursuivre ?

Voir mon article : « Lorsque l’écriture prend un goût amer. »

Je suis dans l’erreur

Finalement, ma plume ne nécessitait pas seule une transformation – ma vision entière nécessitait de nouvelles lunettes.

Ces derniers mois, encore, je me suis mise à penser comme le monde : comme quoi il n’y a pas de succès sans accomplissement. Lorsque je pense à ces voix qui, quoique bienveillantes, n’ont cessé année après année de poser la fatidique question : quand donc publieras-tu quelque chose ? Il y a erreur. Lorsque je pense à ma plume qui, si imparfaite, ne m’aurait tiré aucune gloire à être publiée – il y a erreur.

Il n’y a que le livre pour dire lorsqu’il est prêt. Aucun des miens n’est certainement prêt.

Mais si l’on ne publie rien, qu’est-ce donc être écrivain ? Ecrire, simplement. A ce simple élan, il faut que je m’attache.

J’étais dans l’erreur – je n’abordais toujours pas l’écriture dans la bonne direction. Je ne voyais en mon texte qu’une impossible publication, lorsque publication elle n’était pas. Je m’étais fatiguée inutilement dans une direction qui n’était pas encore à prendre.

Comme il m’a fallu apprendre à vivre, il me faut désormais apprendre à écrire – non pas comme je l’ai fait, ces 8 dernières années, mais de façon nouvelle et plus juste. Ecrire, parce que je le dois – le mouvement est ancré dans mon âme et doit s’exprimer coûte que coûte. Ecrire, d’abord pour moi.

Il n’y a pas d’autre gloire à l’écrivain que celui de se mettre, jour après jour, confiant et sans attendre, à l’exercice.

Avant, j’écrivais

Tout cela, pourtant, je n’ai su le voir que très récemment. Oubliée, cette candide approche à l’écriture, lorsque toute jeune, je ne me formalisais que trop peu sur le résultat – l’exercice seul de la plume comptait.

Je parle peu de ces premiers jets que j’ai pourtant conservé – ces récits qui, quoique d’un point de vue encore trop peu mâtures, étaient fermes d’assurance et de volonté. La première tentative ne réussit pas toujours, à douze ans – mais l’envie est porteuse et l’on s’inquiète encore trop peu du temps qui passe, à cet âge. Que dire de ce roman ayant sévi pas moins de quatre réécritures en moins d’un an ? A douze ans ne se posait pas la question de la réussite – ces quelques 90 000 mots écrits en une année étaient le fruit d’une simple envie, d’un besoin, d’une urgence.

L’année suivante, un autre roman a vu le jour : « L’Héritage d’un Monde » (quoiqu’alors sous un autre nom). Deux premiers jets. Près de 80 000 mots. Le projet ne m’a alors plus lâché – en 2017, deux versions sont apparues. 120 000 mots. Un peu plus tôt, cette même année, un autre roman, le premier que j’ai pu terminer : 80 000 mots. Je n’avais alors que quatorze ans – mais écrire était tout ce qui comptait.

Les chiffres peuvent impressionner, mais je ne les vois que maintenant – ils n’avaient alors que trop peu de sens. Aujourd’hui, je mets trop de temps à finir un roman – ou plutôt, je mets trop de temps à me donner à l’exercice.

C’est cette approche de l’écriture qui me manque. Une ignorance des chiffres et du temps, pour répondre à un seul élan, vital.

Maintenant, je reviens

Il est temps de revenir à l’exercice. Non pas comme avant, mais avec mes apprentissages d’aujourd’hui.

Cette période de l’automne, notamment en novembre, est généralement vue par les écrivains comme un temps de renaissance, au travers de challenges importants comme celui du Nanowrimo. J’ai eu envie de saisir également le moment.

Voir mon article « Chacun son rythme ! »

Mais que faire ? Je ne pouvais certainement pas reprendre ce challenge du Nanowrimo qui ne correspond certainement pas à mes disponibilités actuelles. Non, j’avais besoin d’un challenge à ma taille, plus personnel, plus efficace. Pour sûr, il me fallait tendre à écrire tous les jours. Je n’avais pas non plus envie de trop m’y préparer, de crainte de ne finir par reculer et revenir à mes premières idées – il fallait que l’élan soit franc et décidé.

Je ne voulais pas non plus attendre novembre – pour quoi faire, lorsque l’action ne requérait qu’une prise de décision ? J’ai alors commencé, sur ce challenge qui n’a pas vraiment de fin, mais qui me tient très à cœur : écrire, tous les soirs, sur une tranche d’une demie-heure à une heure. Il me fallait un projet, mais aucun qui ne vienne m’interrompre par des doutes. Il me fallait quelque chose de frais, un premier jet, inédit – mais aussi libre. Libéré de tout attente et exigence. Un texte sans forme, qui ne parle que pour lui-même – et qui n’a, à terme, aucun objectif de publication quelconque. Un texte pour moi, qui me parle.

Un texte pour apprendre à écouter plutôt que de parler.

Cela fait trop longtemps – j’ai oublié comment m’y prendre. Ecouter quelqu’un, surtout lorsque l’on est adulte, est un exercice difficile. L’on est enfermé dans nos idées – il n’y a plus que moi qui compte, et ma sécurité.

Une semaine, que j’ai saisi ce challenge non sans hésitation. Une semaine que je ne regrette aucun des soirs où, fidèle, je me suis assise au travail. Une semaine où je sens à nouveau quelque chose éclore en moi, quoique fragile.

J’irai même plus loin : chaque soir, l’exercice semble même plus facile. Mon âme n’attend plus que ce moment où il pourra s’attacher à ce travail qui lui parle.

N’est-ce donc pas cela, écrire ?

Le futur ne m’importe que peu

Alors oui – j’en oublie mes autres projets, me diriez-vous. Mais je n’oublie pas l’écriture, certainement pas.

Suis-je en train de perdre mon temps, avec cette œuvre certainement jamais destinée à la publication ? Je ne le pense pas. Alors pourquoi y accorder tout mon temps et attention ? Car je ne la pense pas moins importante que mes autres projets. Elle demande a être écrite – je ne fais qu’obéir.

Je suis lassée de me soucier du futur – cette idée si abstraite et changeante, qui n’a aucune promesse pour moi. L’écriture, elle a ses promesses : chaque fois que j’utilise ce don, je suis glorifiée dès à présent. Il n’y a pas d’âge pour écrire – cela est vrai aussi pour la publication. Certes, les débuts seront durs, si je souhaite vivre de ma plume – d’autant plus difficiles si je ne me fais pas connaître dès maintenant. Mais il serait dommage de précipiter cette reconnaissance, alors même que ma plume est toujours si fragile et viable. Je veux être reconnue pour ce que je suis vraiment.

Je suis écrivaine dès lors que je me plie au désir de poser un mot.

Les débuts seront difficiles, mais je serai également davantage préparée, confiante. Alors que ces temps d’études sont pour moi si instables, je suis finalement reconnaissante à toutes ces maisons pour avoir refusé mes précédents manuscrit. Je n’aurais pas pu si bien écouter mes textes que nécessaire. Je les aurais bâillonnées de mes craintes et de l’urgence à répondre aux exigences du public. Finalement, j’aurais échoué.

Voir « Billet #5 – Tu t’inquiètes et tu t’agites pour beaucoup de choses. »

Alors je poursuis le chemin, en courant à point. Je ne sais où il mènera, mais je profite de la belle vue, en attendant celle de ma première destination.


Une réflexion sur “C’est l’heure du thé #19 – Là où l’écriture doit changer

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