
ça fait du bien de ne pas écrire. »
Cette pensée m’a surprise un soir, alors que j’avais décidé de lâcher prise sur l’écriture pour ce mois de décembre.
Je pensais qu’un sentiment de culpabilité suivrait la pensée – moi, penser cela ! Absurde. Lorsque l’écriture devient un essentiel, on ne peut certainement pas vouloir la recaler un jour.
Et pourtant… j’ai plutôt accueilli cette idée, l’ai caressée pensivement et avec un sentiment nouveau. Et si, effectivement, comme l’écriture me fait du bien, l’absence d’écriture peut également participer à ce bien ?
Ecrire
Je ne savais plus écrire. Du moins, je savais parfaitement taper sur un clavier pour produire des mots, mais je ne savais plus tellement produire avec le cœur. On oublie souvent que cœur et esprit fonctionnent pourtant de paire.
Voir billet #6 – Contradictions
Après deux longues années à traîner dans la réécriture de mes manuscrits, je sentais le profond besoin de retourner aux sources de l’écriture, en ne considérant non plus un projet et son objectif, mais seul l’acte d’écrire lui-même. Chaque soir, pour le mois de novembre, je voulais m’exercer au simple fait de se rendre au rendez-vous de l’écriture, à mon bureau, et d’écouter ce qu’elle avait à me dire.
Il y avait, dans l’idée, un désir de libération.
Pendant deux bonnes semaines, donc, j’ai persisté dans cet effort. Lâcher-prise total. Et cela a payé.
Non seulement, j’ai pu voir : tout le progrès que ma plume avait retiré de ces longues années d’expérience. Mais également, j’ai pu me rappeler de l’intérêt premier de l’écriture – parler, et parler de notre mieux.
Il n’y a pas de chose plus compliquée que l’expression de notre message. Pour beaucoup d’étudiants, les oraux sont une terreur – et s’ils se trompaient dans le choix de leurs mots ? S’ils ne parvenaient pas à clarifier leur propos ? L’expression écrite produit généralement moins de peur : l’écriture nous permet le temps de la réflexion, ainsi que le recul des mots posés sur la feuille. Malgré tout, comment savoir si ce que l’on écrit résonnera chez l’autre ?
Pour l’écrivain, soigner cet exercice devient une nécessité : il faut trouver un équilibre, parler de soi, mais parler aussi à l’autre. Si un texte ne nous parle pas suffisamment, comment le pourra-t-elle au lecteur ?
Ne pas écrire
Le mois de novembre passé, une fatigue s’est installée – tout se pressait, avec les dernières évaluation de l’année, ainsi que des fêtes à prévoir et préparer. J’ai été confronté à un choix : poursuivre sur ma lancée, ou abandonner, non avec lâcheté, mais par pure volonté de ralentir.
J’ai toujours été ainsi : je vis avec le temps et les saisons. En fin d’année, avec les jours sombres et le temps raccourci, je ne peux que prêter davantage attention aux besoins de mon corps, à savoir le repos et l’amusement. Je ne voulais pas d’une fin d’année où ma course aurait fini avec un arrêt soudain, n’en pouvant plus. La ligne d’arrivée est proche, mais j’ai préféré ralentir et me rapprocher de mes proches, courant la même course.
Je n’ai rien regretté de ce choix – au contraire, l’écriture m’est apparue plus pure encore, l’appréciant plus sincèrement les rares jours où je m’accordai ce rendez-vous. Ne plus empêtrer mes pensées dans la masse de mes projets a été pour moi tout aussi libérateur qu’un mois de rendez-vous réguliers.
Pour moi, cette année, la période de l’Avent a pris tout son sens : se réjouir avec les autres, prendre soin de tout un chacun – apprécier les temps de calme et de silence, craquer une allumette pour faire apparaître la lumière, se nicher sous un plaid devant un film, un bon chocolat entre les doigts. On attend – mais quoi ? Ce n’est pas une attente frustrée d’une quelque récompense aux efforts de l’année. On ne reçoit vraiment aucune récompense. Mais on espère et on considère ce qui est vraiment à venir – le présent prend alors un tout nouveau sens.
Découvrir mes favoris en attendant Noël
Telle est la question
Je sais que cette décision, « ne pas écrire », n’est pas pour l’éternité – de même que notre vie sur cette terre n’est pas faite pour l’éternité. Le fait de cesser pour un temps nos activités, ou du moins de ne plus y placer l’accent de notre vie, nous rappelle à cette réalité.
Il est facile de croire que le bonheur commence et s’arrête avec certaines activités – pour moi, l’écriture. En vérité, le bonheur n’est simplement pas une réalité sur cette terre – la joie, au contraire, est davantage à notre portée, et il ne tient qu’à nous de la discerner dans toutes les ombres de notre quotidien.
Ce mois passé, je peux le dire : je n’ai pas écrit, mais j’ai éprouvé beaucoup de joie. Certains jours ont été plus difficiles que d’autres, les interrogations sur un futur trop incertain pesant toujours, mais la joie était à portée de main – il ne tient qu’à nous de décider de la saisir. Peut importe votre condition et vos rêves – la joie vous attend ici et maintenant.
J’ai longtemps rêvé de grands rêves, me laissant frustrée à défaut de ne parvenir à les réaliser. J’ai rêvé d’une vie calme et sereine, loin de la masse et de l’agitation, à vivre de ma plume et de mes dons. Il ne fait aucun doute que mes dons participeront à ces joies du quotidien, mais ils ne seront ni ne feront tout. Il est possible que je me trouve un jour nichée dans ma petite campagne, mais aujourd’hui me trouve occupée à poursuivre d’autres projets, mes études, dans un environnement que je ne peux pas toujours choisir. La joie en serait-elle absente pour autant ?
C’est en sortant de son confort que l’on découvre les vraies merveilles de la vie – ces petites lumières dans notre ombre. S’il n’y avait que lumière, la verions-nous vraiment ? Il faut l’obscurité de la nuit pour que la flamme d’une bougie soit pleinement distinguée.
De même, s’il n’y avait que l’écriture, je ne la verrais plus. Il me faut ces temps d’absence, ces temps ou le manque se fait ressentir. Redécouvrir toujours plus ce désir qui me pousse vers l’avant. Alors je continuerai, de temps à autres dans ma vie, à prononcer cette décision, telle une bénédiction : « écrire, ou ne pas écrire. »
