
En jetant un œil à une des dernières interviews accordées à Neil Gaiman, j’ai eu à cœur de partager de nouveaux précieux points d’écriture que l’auteur cite – des points qu’il tire notamment de son expérience. Il n’y a pas à dire : ses conseils sont toujours aussi bons à entendre, quoique simples. Cela prouve au moins une chose : l’écriture n’est pas un art aussi savante que l’on se laisse imaginer – plutôt, l’écriture résulte de beaucoup de volonté et de perspicacité.
Qui sait si ces quelques méthodes de Neil n’inspirera pas les vôtres…
#1 – S’accorder de ne pas écrire
Neil Gaiman définit cette norme comme sa règle d’or, et pour cause : elle est juste.
On dit souvent que braver l’interdit attire. Lorsqu’un enfant est dit de ne pas faire quelque chose (comme ne pas mettre sa main dans le feu), grandes sont les chances que l’enfant bravera cet interdit pour en comprendre les conséquences. De même, un écolier n’accomplira probablement pas son devoir avec joie.
Neil Gaiman avait bien saisi cette tendance de l’homme. S’il l’on se fait un devoir d’écrire en tout temps, quelle qualité aura l’écriture ? Pour Gaiman, s’accorder de ne pas écrire permet d’expérimenter ce vide de l’écriture : cette place que l’on accorde à l’ennui. Face à son carnet, il s’octroie ces moments entre deux sessions, pour ne rien faire, regarder ailleurs, sortir son esprit de son travail, et ainsi mieux constater son envie de poursuivre son travail.
Dans son interview, Neil cite un autre auteur qui lui aurait même conseillé de se trouver une chambre dans un simple hôtel, dans une ville sans attrait, pour n’avoir rien d’autre à faire que d’écrire et donc de se donner les moyens de parvenir à la fin de son projet. Si la tentative ne lui a jamais vraiment réussi, c’est toutefois de là qu’il a pu en tirer sa belle règle.
#2 – Laisser le premier jet à soi
Pour Neil Gaiman, il est important de n’accorder à personne de voir le premier jet. Le premier jet est le brouillon de l’auteur, son terrain de jeu où il peut se permettre toutes les fantasy le font vibrer, sans être contraint par un quelque jugement extérieur. Le premier jet, c’est d’abord écrire son roman pour soi.
C’est aussi en partie pour cela que Neil écrit toujours son premier jet sur carnet, dans lequel il pourra s’accorder toute rature et gribouillis, sans jamais compter ses mots. A chaque entrée, écrire d’une couleur différente à celle de la veille lui permet de se rendre compte de sa productivité et de s’évaluer. Ce n’est qu’en attaquant son second jet que Neil fait usage d’un traitement de texte.
#3 – Choisir le temps et la simplicité
Une autre raison pour laquelle Neil ne peut se passer d’écrire son premier jet dans un carnet est qu’il a remarqué, en essayant d’écrire une première fois par traitement de texte, que ses écrits doublaient de volume – Neil ajoutait pour éclaircir sa pensée plus qu’il ne réfléchissait à la meilleure façon de transmettre ses idées.
Ainsi, conclut-il pour lui-même, le temps et la simplicité des moyens sont nécessaires au bon choix du mot. Rien ne sert de vouloir remplir un certain quota de mots : nous ne sommes plus du temps où les auteurs étaient payé au nombre de mots publiés dans des journaux. Réfléchir à la pertinence de la place de ses mots est plus effectif que de proposer le développement entier d’une idée.
#4 – Tout ce qui est écrit est remédiable
En voilà, une consolation pour l’auteur ! Que l’on écrive sur un carnet ou un traitement de texte, il faut se le dire : tout ce que l’on écrit n’est jamais tout à fait fini.
Assez ironiquement, il y a ceux, comme moi, qui se saisissent de telle excuse pour ne plus jamais laisser de texte pleinement reposer sur son point final. La réécriture devient partie prenante au jeu, et elle n’a pas bien envie de finir sur une demie victoire qui pourrait bien la chiffonner. Le tout, donc, est de savoir trouver son équilibre : accepter de voir son texte chaque jour avec des yeux nouveaux, tout en le laissant doucement prendre le large vers de futurs lecteurs.
J’imagine que Neil signifie également par là que nous n’avons heureusement pas à avoir honte de quelque premier jet ou écrits interminés – aucune raison ne pourrait justifier à ce qu’on décide, le lendemain, de le jeter au feu. Je garde, pour ma part, de nombreux textes en vadrouille dans la mémoire de mon ordinateur, ou entre les pages de carnets oubliés sur une étagère. Je sais pouvoir les retrouver à tout moment, pour m’en inspirer ou vouloir les retravailler, si l’envie m’en saisissait.
Ne gardez pas seulement espoir pour votre propre vie – un cœur continue aussi de battre entre vos mots.
#5 – Une routine pour accueillir le changement
Une réflexion amenée par Neil est venue revisiter mes propres habitudes : moi qui boude généralement les routines, pour leur inflexibilité et leur caractère lassant, j’ai une fâcheuse tendance à toutes me les refuser.
De son avis, la routine est nécessaire à l’écrivain : elle a déjà fait ses preuves parmi tant de prédécesseurs, et elle continue à faire ses preuves parmi tant d’autres domaines de notre vie. Il s’emblerait presque que l’homme, encore une fois, ne saurait totalement s’en défaire – autrement, on perd la trame, le fil de son objectif, car celui-ci s’emmêle avec d’autres qui viennent bientôt l’étouffer.
On peut dire que je suis plutôt d’accord avec ce point…
Et pourtant, comme je l’ai de nombreuses fois défendu sur ce blog, l’écriture, comme nos vies, n’est pas sans accueillir de nombreux changements à travers le temps. Or, on le sait également : trop gros changements renversent ce que nous pensions autrefois stable.
Je l’apprends, chaque jours encore : tout est toujours question de mouvements. Nous sommes en perpétuel mouvement, et cela pour le mieux ! Lorsque nous marchons, c’est en total déséquilibre, que nous l’accomplissons – et pourtant, nous avançons. De même, il faut chercher à sa routine le mouvement qui sera moteur à l’activité de l’écriture. Ne pas se contenter de l’imperturbable, mais accepté d’être dérangé, et ainsi changé, par le cours des événements. La routine est bien présente dans l’écriture, mais elle se transforme.
BONUS – Gravir la montagne
Dans un autre discours, Neil prononce une vérité sur sa vie qui a inspiré la mienne – je la détaillerai sûrement dans un autre article.
En parlant de son objectif de l’écriture comme d’une montagne à atteindre, Neil faisait référence aux nombreux choix qui sont placés dans nos vie et nous amènent plus ou moins près de la montagne : de multiples chemins y mènent, mais pas toutes n’y mènent de la même façon. Certaines, plus longues, contournent la montagne avant d’y monter – si au sommet, elle y mène. D’autres, plus difficiles, seront toutefois plus rapides et efficaces. Pour Neil, il ne faisait aucun doute que certains choix de vie l’écarteraient de son désir de l’écriture, ou ne le satisferaient pas complètement. D’autres, au contraire, lui accorderaient l’équipement nécessaire pour gravir la montagne. C’est ainsi que, sans diplôme, Neil se retrouva à chercher d’abord à exercer sa plume dans le journalisme, là où il savait pouvoir apprendre à écrire.
Cette réalité peut sembler évidente – elle ne l’était pas tant dans ma propre conscience. J’ai compris une lutte que je ne parvenais à taire en moi : un besoin de ne pas abandonner mes rêves, si fous qu’ils puissent paraître. Le chemin n’est effectivement pas direct, mais à quoi cela servirait-il de retarder mon avancée vers la montagne ? Quant à la gravir, la question se posera pour plus tard.
Ces réflexions vous parlent-elles ? Lesquelles auriez-vous trop souvent mis de côté ? Cela vous donne-t-il envie de vous essayer à quelque chose de nouveau ? Laissez-vous inspirer et essayez – il n’y a pas d’irrémédiable chemin, tant est que l’on parvienne à formuler son choix.

Merci beaucoup.
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