
Ayant eu l’occasion d’étudier, ce dernier semestre de ma Licence, un peu de Paul Auster (l’auteur entre autres de The New York Trilogy), j’ai eu envie de découvrir un peu de son expérience personnelle dans l’écriture, de son parcours et de ses habitudes. Je n’ai pas été déçue…
Ces sept conseils sont inspirés d’une interview que vous pourrez trouver à ce lien. Je n’ai fait que reprendre ses propos en les traduisant, pour ensuite les commenter.
En espérant que ces quelques points sauront alimenter votre propre réflexion sur l’écriture…
#1 – Je n’ai jamais été un écrivain de la rapidité. Une page manuscrite est une bonne journée de travail. Trois pages sont un miracle
Dans notre ère du « rapide et efficace », difficile de discerner de la qualité… Pire : on voulant aussi bien faire et produire toujours plus, on perd de vue le processus plaisant de l’écriture, avec toutes ses étapes et ses progrès.
Paul Auster, par son exemple, nous invite à revoir nos « standards ». Non seulement, il prend le temps de saisir la plume pour concentrer son attention sur le choix de ses mots (on retrouve ici plus pratique identique à celle de Neil Gaiman), mais il ne s’oblige surtout pas à remplir un quota de mots. Plutôt, il se considère chanceux si sa journée a été plus productive que d’ordinaire.
Evidemment, il ne s’agit là que de sa propre routine… mais parfois, prendre son temps est également synonyme d’efficacité (notamment au regard de futures réécritures qui, sûrement, ne nécessiteront pas d’être aussi fournies). Pour avancer, mieux vaut s’exercer à voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide !
#2 – Le paragraphe est l’unité de composition en prose – chacun d’eux est une petite prose en soi.
J’avais plus ou moins déjà entendu pareille réflexion, sans jamais y prêter trop attention… et pourtant, comme le vers pour la poésie, n’est-ce pas moins vrai ?
Les paragraphes ne sont pas à décider par hasard, bien que leur organisation peut se faire rapidement par instinct, après beaucoup de pratique – tout simplement, parce que leur unité coule de source : le tout est fluide, la pensée bien ordonnée. Chaque paragraphe permet généralement d’évoquer un nouveau sujet, ou une nouvelle idée, qui vient compléter la ou les précédentes. Un paragraphe trop long fera peut-être fuir votre lecteur (car il donnera alors l’impression d’une pensée désorganisée, ou d’une incapacité à la rendre concise). Trop de paragraphes courts perdra peut-être votre lecteur, notamment dans son discernement des sujets au travers de pronoms.
Soyez sûr du message que vous souhaitez faire passer, dans l’unité de votre paragraphe.
#3 – Le mouvement est à l’origine de la pensée et du mot
Assez drôlement, Paul Auster considère que le mouvement fait partie du processus d’écriture… Une belle claque à nous tous qui, vissés sur notre chaise et derrière un écran, ne pensons pas toujours à nourrir nos pensées de mouvements !
On reconnaît là certains auteurs comme C.S Lewis, J.R.R Tolkien ou L.M Montgomery pour qui le temps d’une balade était nécessaire à leur quotidien pour remplir leur imaginaire et délier leur pensée. Moi-même, je dois bien avouer que le mouvement aide bien à l’organisation de ma pensée… que ce soit au travers de l’accomplissement de tâches ménagères, de balades ou même de simples allers-retours dans mon bureau entre deux sessions d’écriture.
Essayez vous-même, et peut-être serez-vous surpris…
#4 – L’essence d’un artiste est de se confronter à ce qu’il cherche à accomplir
Lorsque l’on écrit, il est facile de ne plus tellement s’interroger sur le but de notre projet. Pour autant, cette pensée pourrait bien être amenée à évoluer, si seulement on y accordait suffisamment d’attention !
Depuis le dernier siècle, les artistes ont beaucoup cherché à oublier le sens de l’écriture, ou à le détourner. On ne s’inquiétait plus que de l’esthétique puis, plus tard, de la seule émotion que l’œuvre pouvait susciter. Le reste importait peu. Aujourd’hui, règne l’ère du divertissement : c’est le culte du populaire.
Des lecteurs apprécieront bien votre ouvrage, quelque soit le sens que vous lui accorderez. Mais vous, quelle sera satisfaction, à n’avoir pas accompli grand chose si ce n’est la simple production d’une lecture éphémère ? Questionnez toujours votre travail : poussez-le toujours plus loin.
#5 – Les histoires n’arrivent qu’à ceux capables de les conter
Tout simplement, parce que écrire nécessite d’une très bonne attention et observation.
Des histoires, nous en témoignons tout le long de notre quotidien – mais peu de personnes sont capables de vraiment les saisir pour les raconter à leur tour. Il n’y a pas vraiment d’œuvre de fiction sans matière – on prend tous de notre entourage et de nos expériences. Autrement, le récit court le risque de sonner creux, de manquer une certaine essence de la réalité.
Je ne voudrais pas décourager ceux d’ordinaire peu observateurs, mais plutôt les encourager, par des exercices, à muscler cette attention pour les détails du quotidien. Pour ce faire, prenez donc exemple même de vos lectures : quels détails vous amènent-ils à percevoir ? Puis essayez de les retrouver dans votre quotidien.
#6 – laisser de l’espace au lecteur
Dans un roman, et même dans une nouvelle, il y a des temps de pauses – de ces temps, entre deux phrases, où on peut laisser au lecteur de respirer et de s’armer de sa propre imagination pour vivre l’aventure.
Cela, j’ai dû l’apprendre : le lecteur a aussi sa place dans le récit, et sa participation à le construire est tout aussi essentielle. L’auteur est en cela seulement un guide : après avoir créé son univers, c’est lui qui saisira la main de ses lecteurs pour les projeter au sein de l’histoire. Le lecteur, lui, est aussi personnage, quoique très indépendamment de l’auteur. Il est possible qu’il décide de ne pas suivre vos pas… mais là encore, c’est son choix. C’est pourquoi il est si important de laisser une marge de liberté suffisante au lecteur.
#7 – Parfois, on attend longtemps avant de trouver sa fin
Je n’ai pas tant d’opinion sur ce dernier point, n’ayant moi-même expérimenté que peu de fois une absence de vision sur la fin – en dehors du dernier projet que j’ai pu écrire, ces derniers mois, et dont je vous fait bientôt un bilan…
La fin me vient généralement très tôt, avec les premières idées : il est le but vers lequel je dois tendre, tout au long de l’écriture de mon ouvrage. Mais alors, il est aussi vrai que je ne sais pas vraiment faire sans plan (encore une fois, on peut se réserver de belles surprises)… Toutefois, il m’est arrivé d’attendre avant que l’entièreté du plan et de mes idées parvienne à maturation.
Après tout, il nous arrive souvent, même dans nos quotidiens, de devoir attendre pour trouver des réponses ou une résolution à nos problèmes… De même, il peut ne pas être évident de discerner tout de suite la résolution des enjeux soulevés par votre histoire – ou alors, vous ne serez pas tout à fait satisfaits par la première solution envisagée, et cela demandera à être retravaillé.
Accordez le temps nécessaire à cela – peut-être avez-vous besoin de vivre certaines choses avant d’écrire votre œuvre. Cela aussi, je peux en témoigner. Accordez-vous à vous-même du temps pour progresser.
C’est la fin de cet article de conseils, en espérant que cela vous aura permit d’approfondir vos interrogations, tout en élaborant une première esquisse de réponses. Ne vous découragez pas, prenez soin de vous, et prenez exemple sur ces écrivains qui n’ont pas moins été confrontés à leurs propres soucis et leurs propres attentes souvent détrompées !
