L’ÉCRIVAIN : Bon. Avez-vous bien tout saisi ou faut-il que je récapitule ?
LE PERSONNAGE : Je refuse.
L’ÉCRIVAIN : Comment cela, vous refusez ?
LE PERSONNAGE : Vous m’avez jeté sous les dents de monstres terrifiants, fait brûler ma propre demeure, mis d’infatigables poursuivants sur le dos et, à présent, tout ce que vous avez trouvé à faire est de me faire périr sous une lame ennemie. Je le dis et le répète : je refuse.
L’ÉCRIVAIN, sortant de sa poche un long rouleau de parchemin : Mais c’est le plan ! Il faut s’y tenir.
LE PERSONNAGE, zieutant à peine le rouleau : Ce plan est modifiable, n’est-ce pas ? Vous ne serez pas le premier à ne plus vous y tenir.
L’ÉCRIVAIN : Je refuse !
LE PERSONNAGE : A, c’est vous qui refusez, maintenant.
L’ÉCRIVAIN : Qu’insinuez-vous ?
LE PERSONNAGE : Que vous êtes mauvais écrivain.
L’ÉCRIVAIN : Moi ! mauvais écrivain ? C’est mon personnage qui le dit !
LE PERSONNAGE : Oui, peut-être devriez-vous m’écouter un peu plus, comme vous le faites désormais pour tout ce qui vous concerne.
L’ÉCRIVAIN : Quelle insulte ! Je suis le créateur, je n’ai rien à faire de vos propositions.
LE PERSONNAGE : Vraiment ?
L’ÉCRIVAIN : Vraiment.
LE PERSONNAGE : Qu’en faites-vous de Dieu, dans ce cas ?
L’ÉCRIVAIN : Dieu ?
LE PERSONNAGE : N’est-ce pas lui votre créateur ? Lui qui dirige votre vie ?
L’ÉCRIVAIN : Évidemment ! Tout comme moi je dirige ma création. Point final.
LE PERSONNAGE : Croyez-vous pourtant que Dieu est si insensible à vos prières ?
L’ÉCRIVAIN : Eh, bien…
LE PERSONNAGE : Tout comme vous faites confiance aux plans de Dieu, j’aimerais faire confiance aux plans de mon auteur.
L’ÉCRIVAIN : C’est que…
LE PERSONNAGE : Vous refusez donc toujours la vérité ? Mauvais écrivain que vous êtes.
L’ÉCRIVAIN : Très bien ! Très bien ! Seulement, arrêtez avec cet horrible surnom.
LE PERSONNAGE : Alors, prenez soin de votre création.
L’ÉCRIVAIN : Que veux-tu donc ?
LE PERSONNAGE, se baladant avec légèreté et un sourire malicieux aux lèvres : Un château, la belle princesse, et tous les trésors du monde ! Cela ne doit pas être compliqué à donner.
L’ÉCRIVAIN : Mais c’est tout bonnement impossible !
LE PERSONNAGE : Tiens, donc ? Je pensais que vous ne connaissiez justement pas l’impossible.
L’ÉCRIVAIN : Bien sûr, mais tout n’est pas bon !
LE PERSONNAGE : Alors que me prévois-tu de bon ?
L’ÉCRIVAIN, prenant à son tour un air supérieur : Dieu ne dévoile jamais tout son plan. Me fais-tu confiance ?
LE PERSONNAGE : Soit. Mais je vous préviens, à la première entourloupe… Je démissionne !
L’ÉCRIVAIN : Marché conclu.
Le rideau se ferme sur un échange de mains serrées.